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considère les dépôts par compte courant comme disponibles à toute heure, et il faut alors qu’elle renonce à en former sa réserve, ou bien elle se croit autorisée à les employer comme un capital supplémentaire, et dans ce cas elle en doit l’intérêt aux déposans. Point de milieu, ou la Banque doit former sa réserve métallique à l’aide de son capital, ou elle doit créer ouvertement dans ce but, à ses risques et périls, une véritable dette flottante.

Pour déterminer l’importance du capital qui doit appartenir aux banques de circulation, et afin de prouver qu’une grande partie de ce capital est naturellement consacrée à former la réserve en numéraire, j’avais rappelé que, dans les momens de crise, les déposans viennent retirer les fonds versés en compte courant, de même que les porteurs de billets se présentent en foule, demandant à les échanger contre des espèces. Le défenseur de la Banque s’inscrit en faux contre cette assertion, qu’il traite comme une erreur de fait. Suivant lui, c’est précisément aux époques de crise que les ressources augmentent, et que la réserve métallique prend des proportions démesurées. Je n’accepte pas la rectification que l’on m’oppose ici, et qui est fondée sur une pure équivoque. Les commotions qui frappent et qui ébranlent le crédit présentent généralement deux périodes bien distinctes. Dans la première, et sous l’impression de la panique qui se déclare, toutes les valeurs de confiance deviennent suspectes et se déprécient ; c’est à qui pourra s’en défaire, et les échanger contre les valeurs métalliques, qui sont une richesse de tous les temps et de tous lieux. Voilà le moment où l’on assiége les guichets des banques et où les porteurs de créances exigibles veulent être immédiatement remboursés. Malheur alors à l’établissement qui n’a pas fait provision d’une réserve solide ! La suspension des paiemens est à ses portes, et sa ruine devient certaine dès qu’on suppose que la banque hésite, qu’elle se trouble, et que ses ressources peuvent être épuisées avant le parfait remboursement. La Banque de France elle-même ne l’a-t-elle pas éprouvé en février 1848, quand il a fallu rembourser 110 millions en quinze jours ? Et pourquoi a-t-on décrété le cours forcé des billets, si ce n’est parce que les déposans par compte courant ayant retiré ou menaçant de retirer encore leurs capitaux, et les porteurs de billets en exigeant le remboursement, la Banque ne trouvait pas dans son propre capital de suffisantes ressources ? On dira, je le sais, que les commotions politiques portent un trouble irrésistible dans les règles ordinaires du crédit ; mais que l’on prenne, j’y consens, la crise purement commerciale de 1846-47 : la Banque ne vit-elle pas alors diminuer rapidement une réserve métallique formée avec des capitaux d’emprunt, et ne fut-elle pas obligée, pour éviter une catastrophe, de recomposer cette réserve, comme par un coup de théâtre, avec des ressources qu’elle possédait