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Arrivons maintenant à la question du capital : c’est là le champ de bataille sur lequel s’escriment avec le plus d’ardeur les champions de la Banque ; c’est là que nous donnent rendez-vous les rancunes de l’intérêt privé : il s’agit de porter le capitale la Banque à 150 millions, non compris la réserve, c’est-à-dire de réaliser un capital additionnel de 60 millions. Là-dessus, on nous déclare, sans plus de ménagement, que nous retranchons d’un trait de plume 50 pour 100 du revenu des actionnaires actuels, et que nous dépouillons huit mille pères de famille ; mais quoi ! le privilège de la circulation fiduciaire serait-il la propriété personnelle et incommutable des huit mille porteurs d’actions ? Ce privilège a-t-il été donné par la loi, non pas dans un intérêt public, mais dans le seul intérêt des actionnaires ? Ne faut-il voir enfin qu’une question de dividendes dans les conditions qui doivent être attachées à l’émission des billets de banque et à la constitution du crédit ? La Banque de France bat monnaie à la place et du droit de l’état ; sera-ce pour faire de ce mandat, qui est une émanation de la souveraineté, métier et marchandise ?

Sans doute il est juste qu’en servant les intérêts généraux du pays, la Banque retire de ses opérations un bénéfice qui attire les capitaux vers cet emploi ; mais l’ère des gros dividendes a duré quinze ans, et elle peut revenir encore : que l’on se résigne en ce moment aux petits profits. Nous n’estimons pas les actionnaires de la Banque très malheureux de recevoir un intérêt de 4 et demi pour 100 à une époque où les actionnaires des compagnies de chemins de fer sont réduits à 2 et même à 1 pour 100, et où les propriétaires de domaines ruraux peuvent à grand’peine trouver dans la vente, des produits les frais de la culture. Au surplus, le capital additionnel peut être levé par voie d’emprunts, et, s’il fallait le demander directement aux actionnaires, je n’y verrais rien d’impossible, les actions obtenant encore une prime de 130 pour 100, prime qui s’est élevée jusqu’à 240 pour 100. Dégageons donc le débat de cet incident, qui n’a rien de législatif et qui n’intéresse pas la fortune publique. Avant les changemens apportés par le gouvernement provisoire à la constitution de la Banque de France, le capital de cet établissement était jugé suffisant à peine ; ce capital peut suffire aujourd’hui ? La situation de la Banque est-elle, depuis la république, ce qu’elle était sous la monarchie ? Voilà comment la question se pose.

Avant 1848, le privilège de la Banque de France était limité à la capitale et à quelques villes de troisième ordre, où elle avait fondé des comptoirs ; son action n’embrassait qu’un rayon peu étendu, et demeurait en quelque façon locale. Aujourd’hui sa mission est agrandie ; elle ne rencontre plus de concurrence dans le maniement de la circulation fiduciaire, et elle participe à l’unité de l’état. Son privilège a été converti en monopole ; seule désormais elle a le droit d’émettre les billets