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l’assemblée nationale ? En admettant l’opportunité, a-t-on ménagé la transition et a-t-on stipulé les garanties qui pouvaient épargner un repentir au législateur et mettre le crédit à l’abri d’une secousse ? Voilà les questions que soulève la loi du 6 août, et sur lesquelles, malgré le fait accompli, il est impossible de ne pas revenir.

Et d’abord, sans sortir des considérations politiques, la situation présente est-elle de nature à rassurer tous les esprits ? Avons-nous décidément franchi la période révolutionnaire ? Les difficultés que la constitution nous donne à résoudre sont-elles dès à présent aplanies ou tranchées ? A moins de fermer volontairement les yeux à la marche des opinions ainsi que des événemens, il faudra reconnaître que le moment choisi par la Banque pour solliciter l’abrogation du décret du 15 mars était précisément celui où commençait à poindre la crise que nous avons à traverser pour sortir des sables mouvans et pour établir le gouvernement en terre ferme. Cette crise, qui doit légalement se dénouer dans la session prochaine, a paru un instant se compliquer d’une rupture entre les pouvoirs publics. La majorité de l’assemblée nationale, cette majorité qui avait sauvé le pays, s’est divisée à la veille de recueillir les fruits de sa fermeté et de sa persévérance. On a pu légitimement craindre que la division qui s’était manifestée dans le choix des personnes ne fût étendue aux questions de principe, et que le socialisme, blessé à mort par la loi électorale, ne se redressât comme galvanisé par le spectacle de dissentimens dont il a seul à profiter. Les partis et le pouvoir lui-même ont pris, depuis quelque temps, une attitude militante qui préoccupe l’opinion publique, et qui, en excitant une vague attente fait naître aussi l’anxiété. Le besoin de stabilité que l’on éprouve dans le pays revêt un certain caractère d’impatience. Le présent souffre déjà des préoccupations inquiètes dont l’avenir est l’objet. Le découragement entrave les régions du travail, et l’on a remarqué un ralentissement sensible dans les affaires. Dans des circonstances pareilles, la prudence commandait évidemment de ne pas jeter au travers des difficultés politiques une difficulté qui touche à la constitution du crédit. Le statu quo en matière de banque devait être maintenu jusqu’à ce que la France eût fait son évolution, et que, se dégageant définitivement des désordres qui l’avaient envahie, elle eût fermé les abîmes.

À côté de la situation politique, qui domine le sujet, il est à propos d’envisager encore la situation particulière du trésor et celle de la Banque. M. le ministre des finances compte sur l’accroissement des revenus indirects pour soulager la dette flottante, qui fléchit sous le poids des découverts. Cette perspective flatteuse lui a servi à motiver une réduction de 75 millions dans les sommes que la Banque de France s’était engagée à prêter à l’état. Le retranchement des 75 millions a permis de représenter ensuite l’action de la Banque comme relativement