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Nous arrivons aux Contemporaines, un des ouvrages les plus connus de Restif. Beaucoup de ses premiers romans ont été reproduits dans cette immense collection, qui comprend quarante-deux volumes de 1781 à 1785. Les Contemporaines, illustrées de cinq cents gravures fort soignées pour la plupart, resteront comme une reproduction curieuse, mais exagérée des costumes et des mœurs de la fin du XVIIIe siècle. Elles eurent beaucoup de succès, surtout en province et à l’étranger. Ce fut cette compilation énorme, payée à 48 livres la feuille, qui permit à l’auteur de faire graver les cent vingt figures du Paysan-Paysanne pervertis. Comme Dorat, il se ruinait à faire illustrer ses œuvres. Le succès de cette collection fit qu’il y ajouta un grand nombre de suites, telles que les Françaises, les Parisiennes, les Provinciales, et jusqu’à une dernière série aux descriptions scabreuses, intitulée le Palais-Royal.

À cette époque, Agnès Lebègue ne vivait plus avec lui. Retirée à la campagne, elle s’était consacrée à l’éducation de quelques jeunes personnes. Restif charma son isolement par des relations assez suivies avec la fille d’un boulanger, Virginie, qui lui coûta quelque argent et lui causa d’assez grands chagrins en dépensant avec des étudians les produits de la vente de ses chefs-d’œuvre. De plus, elle le traitait d’avare et finit par l’abandonner pour un caissier de banque. La seule vengeance de l’auteur fut d’écrire le Quadragénaire, afin de regagner du moins avec sa triste aventure l’argent qu’elle lui avait coûté. Ce titre indique l’âge où commençait la décadence du séducteur, mieux prononcée encore cinq ans plus tard, lorsqu’il eut le malheur de connaître Sara. La tristesse qu’il éprouva lui donna l’idée de commencer le Hibou ou Spectateur nocturne, se désignant lui-même sous cet aspect d’oiseau de nuit que lui donnaient de loin cet œil noir et ce nez aquilin qui, gracieux jadis, tournaient déjà à la caricature. Ce livre est l’origine des Nuits de Paris.

Lorsque Restif composa le nouvel Abailard, il était épris d’une jolie charcutière appelée Mlle Londo car il lui fallait toujours un modèle pour chacun de ses ouvrages. On trouve dans ce livre le germe de sa Physique. La charcutière, ignorante par état, était curieuse d’astronomie non moins, que la belle marquise à laquelle Fontenelle adressait ses savans entretiens. De là tout un système cosmogonique à la portée… des jolies charcutières ! A force de creuser ces idées trans-mondaines, Restif se vit conduit à écrire l’Homme volant, plaidoyer fort ingénieux en faveur de l’aérostation. La machine qui transporte Victoria dans les airs est décrite avec une scrupuleuse minutie. Il s’est inspiré là probablement du Voyage de Cyrano, qui prévoyait aussi long-temps à l’avance la découverte de Montgolfier.

Enfin parut l’ouvrage intitulé la Vie de mon père, qui, sans obtenir