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Caquets du matin, en prose ; le Cabriolet renversé, scène de la halle[1] ; Arlequin corsaire, scène en prose et à la silhouette, qui devint l’année d’après, en 1789, Arlequin corsaire patriote[2]. Maillé de Marenvourt donna, vers le même temps, le Matelot, scène épisodique en prose le Petit Pouces et Cendrillon, pièces-féeries, chacune en trois actes. Plus récemment, vers 1807, le même auteur a donné l’Enlèvement de Proserpine, féerie mythologique, et le Triomphe d’Arlequin. En 1799, Gabiot écrivit pour Séraphin le Malade et le Bûcheron, scène à la silhouette ; mais, dans les dernières années du siècle, ce fut Guillemain qui fut le fournisseur le plus actif de ce théâtre et de plusieurs autres. « Il faisait le matin pour les Ombres chinoises, dit M. Dumersan, de petites pièces dans lesquelles il y avait toujours une idée comique, qu’on lui payait 12 francs, qu’on cinq cents fois, et qu’on joue encore. Le soir, il en composait pour les Jeunes-Artistes, le Vaudeville, les Variétés amusantes, etc. ; elles étaient plus littéraires, et cependant elles ne l’ont pas immortalisé comme sa Chasse aux -Canards[3]. » Parmi les scènes à la silhouette de Guillemain, on remarque l’Entrepreneur de spectacle, la Mort tragique de Mardi-Gras, en vers ; le Gagne-Petit, et enfin l’Ecrivain public, qui, pendant la révolution, devint l’Ecrivain public patriote. J’ai bien peur qu’au milieu du vertige de ces années sinistres, nos petits comédiens de bois n’aient participé plus que de raison à la fébrile effervescence de ces temps de trouble. Je ne veux pas trop insister sur cette phase délicate de leur histoire. Je transcrirai seulement quelques lignes significatives de Camille Desmoulins. Indigné de l’apathique indifférence des badauds de Paris en présence des hécatombes de chaque jour, le Vieux Cordelier s’écrie : « Cette multitude égoïste est faite pour suivre aveuglément l’impulsion des plus forts. On se battait au Carrousel et au Champ-de-Mars ; et le-Palais-Royal étalait ses bergères et son Arcadie ! A côté du tranchant de la guillotine, sous lequel tombaient les têtes couronnées, et sur la même place, et dans le même temps, on guillotinait aussi Polichinelle, qui partageait l’attention de cette foule, avide surtout de voir ces pièces qui ne pouvaient avoir qu’une seule représentation[4]. » Ainsi le bourreau, qui, pendant deux cents ans, avait bien voulu se laisser bafouer et pendre par Polichinelle, prenait alors sa revanche. Il est probable que Polichinelle n’est rentré en possession de ses avantages qu’après le 10 thermidor ; mais passons vite : je citerai en raison de leur inoffensive singularité, les titres de deux pièces de ces temps néfastes. En 1790, les ombres de Séraphin jouèrent la Démonseigneurisation,

  1. imprimé dans le Théâtre de Séraphin, t. I, p. 25-35.
  2. Affiche du 25 décembre 1790.
  3. Mémoires de Mlle Flore, t. I, p. 42 et 43. Guillemain est mort en 1799.
  4. Le Vieux cordelier, réimpression de 1834, p. 64.