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ce permis de représenter, que l’on avait, depuis quelque temps, astreint les canevas de marionnettes à la censure, ce qui peut expliquer la décadence que nous allons avoir à constater dans les productions de ce théâtre, jusque-là si spirituel et si prospère. Il semble aussi que Nicolet avait eu la pensée de porter quelque innovation dans ce genre de spectacle et de s’affranchir de quelques-unes des lois qui étaient sa condition d’existence, car l’autorisation de M. de Sartine, libellée par l’auteur de Rhadamiste, porte : « Permis de représenter, à la charge de ne parler qu’avec le sifflet de la pratique[1]. »

On a vu jusqu’ici que les parodies abondent dans le répertoire des marionnettes ; mais, à la foire Saint-Germain de 1741, Valois d’Orville fit, à propos de la Chercheuse d’esprit de Favart, une chose nouvelle et qui a eu beaucoup d’imitateurs : il donna sur le théâtre de Bienfait Polichinelle distributeur d’esprit, petite pièce qui n’offrait pas seulement, comme de coutume, la critique d’un ouvrage unique, mais une sorte de revue piquante des divers ouvrages joués dans la saison. Il serait curieux que les marionnettes eussent créé un genre, les pièces-revues.

À la foire Saint-Germain de 1742, Nicolet fit jouer par ses marionnettes un acte de Valois d’Orville, l’Une pour l’Autre, parodie d’Amour pour Amour, et un nouvel entrepreneur de marionnettes, Boursault, représenta une petite pièce du même auteur, Orphée et Eurydice.

Sous la date de 1743, les portefeuilles de M. de Soleinne contiennent Don Quichotte-Polichinelle, parodie en trois actes du ballet de Don Quichotte, encore par Valois d’Orville, mais qui peut-être n’a pas été représentée. Je voudrais pouvoir en dire autant de Javotte, parodie de Mérope, que le même auteur eut l’irrévérence de faire jouer par les marionnettes de la foire Saint Germain de cette année[2]. Je ne sais si c’est dans ce petit acte que Polichinelle, toujours frondeur, se moqua effrontément de la manie qui commençait à s’emparer du parterre d’appeler l’auteur des tragédies nouvelles et de le faire paraître en personne, honneur assez équivoque que l’on venait d’infliger Voltaire lui-même le jour de la première représentation de Mérope. Le compère pressait Polichinelle de lui faire entendre une de ses œuvres, et, après avoir reçu une réponse fort incongrue, le compère s’empressait de demander l’auteur ! l’auteur ! satisfaction que s’empressait de lui donner Polichinelle, aux grands éclats de rire de l’assemblée.

À la foire Saint-Germain de 1744, les marionnettes de Bienfait représentèrent Polichinelle maître-maçon[3] et Polichinelle Gros-Jean parodie en un acte et en vers de l’opéra de Roland. Les portefeuilles

  1. Théâtre inédit de la foire, Soleinne, n° 3400.
  2. Voyez ces cinq pièces de Valois d’Orville dans son Théâtre inédit, Soleinne, n° 3412.
  3. Théâtre inédit de la foire, Soleinne, n° 3400. Dans ce petit canevas d’une page, Polichinelle a pour femme Mme Catin.