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VII. – FIGURES DE BENOÎT. – PYGMEES ET BAMBOCHES.

Outre Daitelin et le mécanicien anglais mentionné par Brossette, il s’éleva dans Paris divers concurrens aux bonnes marionnettes du Pont-Neuf. En 1668, Archambault, Jérôme, Arthur et Nicolas Féron, danseurs de corde associés et directeurs de marionnettes, obtiennent du lieutenant de police l’autorisation de construire une loge au jeu de paume du nommé Cercilly, à l’enseigne de la Fleur de lys. On cite encore un privilège semblable accordé à François Bodinière[1].

Vers le même temps, un sieur Benoît, surnommé du Cercle, fit une fortune considérable en montrant des figures de cire qui offraient des portraits de souverains et de personnes célèbres. Je ne parle de ces figures que parce que La Bruyère, dans le court passage qu’il leur consacre, leur a donné le nom de marionnettes[2]. Elles ont été, pour Mme de Sévigné, l’occasion d’un mot charmant : « Si, par miracle, dit-elle à sa fille, vous étiez hors de ma pensée, je serois vide de tout, comme une figure de Benoît[3]. »

En 1676, un nommé La Grille tenta une plus ambitieuse concurrence contre les marionnettes de Brioché, ou plutôt contre le privilège de l’Opéra ; je veux parler du théâtre des Pygmées, qui devint, l’année d’après, le théâtre des Bamboches. Aucun des historiens de notre scène n’a connu le théâtre des Pygmées, et ceux qui ont parlé de celui des Bamboches se sont étrangement fourvoyés. L’abbé Du Bos a été la première cause de ces erreurs en signalant de mémoire l’établissement à Paris, en 1674, d’un nouveau spectacle d’origine italienne, dirigé par le sieur La Grille, et qui, sous le nom de Théâtre des Bamboches, eut un assez beau, succès pendant deux hivers. « C’étoit, ajoutait-il, et cela seul était exact, un opéra ordinaire, avec la différence que la partie de l’action s’exécutoit par de grandes marionnettes, qui faisoient sur le théâtre les gestes convenables au récit que chantoient les musiciens, dont la voix sortit par une ouverture ménagée dans le plancher de la scène[4]. » L’auteur du Journal manuscrit de la Comédie-Française, compilation presque toujours dénuée de critique, mentionne, à l’année 1676, le succès d’une tragi-comédie représentée par la Troupe royale de l’hôtel de Bourgogne ; sans se douter qu’il s’agissait d’une troupe de marionnettes[5]. De Visé n’a parlé dans le Mercure de 1674 et 1675

  1. Mémoire pour servir à l’histoire de la Foire (par les frères Parfait), Int. p. XLVI.
  2. Voyez les Caractères de La Bruyère ; Des Jugements § 21, t. II, p. 457, édition de M. Walckenaer.
  3. Lettre du 11 avril 1671.
  4. Réflexions sur la Poésie et la Peinture, t. III, p. 244.
  5. Quelques personnes attribuent cette compilation indigeste aux frères Parfait, à tort, je crois. Elle est cependant précieuse pour tout ce qui est extrait des registres de la Comédie-Française.