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dit=il ; suivi la route jusqu’à cet espace qui sépare les deux châteaux, j’y trouvai la ville et les faubourgs, c’est-à-dire tous les habitans de Saint-Germain et du Pec ; toute cette population sortoit du spectacle :

Or blanchisseuses et soubrettes,
Du dimanche dans leurs habits,
Avec les laquais, leurs amis
(Car blanchisseuses sont coquettes),
Venoient de voir, à juste prix,
La troupe des marionnettes.
Pour trois sols et quelques deniers,
On leur fit voir, non sans machine,
L’enlèvement de Proserpine,
Que l’on représente au grenier.
Là le fameux Polichinelle,
Qui du théâtre est le héros,
Quoiqu’un peu libre en ses propos,
Ne fait point rougir la donzelle
Qu’il divertit par ses bons mots[1].

Cependant, pour ne rien cacher, je dois dire que Leduchat, commentant un passage de Rabelais, nous apprend que l’antiquaille, que Panurge veut sonner à sa dame, était une ancienne danse fort gaillarde, « comme la housarde, ajoute-t-il, que, depuis peu d’années, on fait danser aux marionnettes françoises[2]. » Il ne nous est resté de cette saltation soldatesque que la scène du housard qui danse en se dédoublant, etc. Ces gaillardises n’empêchaient pas les plus honnêtes gens d’avouer hautement leur goût pour les marionnettes ; un des membres les plus spirituels de l’ancienne Académie française, Charles Perrault, n’a-t-il pas dit :

Pour moi, j’ose poser en fait
Qu’en de certains momens l’esprit le plus parfait
Peut aimer sans rougir jusqu’aux marionnettes,
Et qu’il est des temps et des lieux
Où le grave et le sérieux
Ne valent pas d’agréables sornettes[3] ?

Les plaisanteries que Brioché prêtait à ses petits acteurs étaient fort goûtées des Parisiens. Un Anglais, de passage à Paris, avait trouvé le moyen de faire mouvoir les marionnettes par des ressorts et sans cordes ; « mais, dit Brossette, on leur préférait celles de Brioché, à cause des plaisanteries qu’il leur faisoit dire[4]. »

  1. Oeuvres d’Antoine Hamilton, tome Ier, page 382. Paris, 1825.
  2. Oeuvres de Rabelais, liv. II, chap. 21. Edit. varior., tome III, page 481, n. 7.
  3. Conte de Peau-d’Ane.
  4. Commentaire sur la VIIe épître de Boileau.