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(quoique cela ne ressorte pas nettement du texte de Marolles) que ce fut à l’hôtel d’Argent que dame Gigogne succéda à l’excellent comique qui, sous le nom de Perrine, avait créé un caractère de femme, dont le type nous est malheureusement inconnu. Dame Gigogne passa ensuite à l’hôtel de Bourgogne, où elle eut moins de succès. Robinet y a signalé avec quelque surprise sa présence en 1667, et sa retraite en 1669[1] ; mais ni Robinet, ni Marolles, ne nous apprennent rien de plus que l’existence et le nom de ce personnage, et, si ce type ne nous était bien connu d’ailleurs, nous n’en saurions pas plus sur dame Gigogne que nous n’en savons sur dame Perrine. Heureusement, personne n’ignore que, comme son nom l’indique, dame Gigogne est le type de la fécondité roturière, la femme comme la souhaitait Napoléon, habile à donner à l’état les plus belles couvées d’enfans : cette généreuse nature de femme pouvait bien n’être pas non plus désagréable à Henri IV et.à Sully après la dépopulation produite en France par les guerres de la ligue. Au reste, après avoir vu dans Marolles et dans Robinet le nom seul de dame Gigogne, nous allons voir, dans un ballet de la même époque, le type sans le nom ; l’un de ces doc mens complétera l’autre. Voici d’abord ce que Malherbe écrivait à Peiresc le 8 février 1607 : «… Il se fait ici force ballets ; nous en avons un pour mardi prochain de la façon de M. le Prince, qui sera l’accouchement de la foire Saint-Germain. Elle y sera représentée comme une grande femme qui accouche de seize enfans, qui seront de quatre métiers, astrologues, charlatans, peintres, coupeurs-de-bourses…[2]. » Malherbe était bien informé ; la relation imprimée à l’avance, ou, comme on dirait aujourd’hui, le programme de ce ballet dansé au Louvre devant la reine Marie de Médicis, introduit d’abord un petit garçon (je copie le livret) qui prononça, en guise de prologue, les vers suivans :

Je suis l’oracle
Du miracle
De la foire Saint-Germain ;
C’est une homasse
Qui surpasse
Les efforts du genre humain ;
Plus admirable
Que la fable
Du puissant cheval de bois :
Car, différente,
Elle enfante
Mille plaisirs à la fois.
Coupeurs de bourse,

  1. Voyez Gazette en vers, lettres des 20 août 1667 et 30 novembre 1669.
  2. Lettres de Malherbe, p. 21 ; Paris, Blaise, 1822.