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nées ou à naître, pour que le premier héritier ait les mains liées. Comme la publicité de ces actes n’est pas soumise aux mêmes formalités qu’en France, il est toujours très difficile de s’assurer si la personne qui met une terre en vente est réellement fondée à faire cette vente ; il faut faire vérifier tous les papiers d’une famille par des gens de loi exercés, et la recherche des ayans-droit, jointe aux frais des actes de transmission, est tellement coûteuse, qu’on ne se résigne à faire une semblable dépense qu’à propos d’une acquisition considérable. Un acquéreur n’est jamais bien sûr de ne pas voir surgir inopinément quelque ayant-droit inconnu qui vienne exercer des répétitions contre lui, ou exiger la résiliation de la vente. M. Kay en signale en passant un exemple. Un spéculateur, voyant : refluer dans les faubourgs de Northampton les journaliers chassés de la campagne par le manque d’habitations, avait eu l’idée de construire pour eux des maisonnettes à quelque distance de la ville, avec la certitude de les louer à un prix avantageux. Il était entré en pourparlers pour un terrain avec le principal propriétaire du voisinage, et il pouvait regarder le marché comme conclu, lorsque le vendeur découvrit qu’il n’avait point le droit d’aliéner ce terrain.

Les efforts des hommes éclairés de l’Angleterre tendent aujourd’hui à simplifier les règles qui président aux hérédités et aux ventes immobilières. La réforme de la cour de chancellerie est devenue l’objet d’une association spéciale. Déjà en Irlande, pour la liquidation des créances immobilières et la vente des terres chargées d’hypothèques, on a substitué au mécanisme compliqué de la chancellerie l’intervention d’une commission spéciale, devant laquelle les propriétés sont mises aux enchères, et qui a le droit de délivrer des titres inattaquables. Les avantages de cette innovation, due à sir Robert Peel, ont été tellement évidens, qu’il est déjà question d’introduire la même réforme en Angleterre. Ce serait là un fait grave et dont les conséquences sont difficiles à calculer. En effet, les commissaires irlandais, dans l’intérêt des propriétaires, ont été conduits à diviser en lots les biens mis en vente, afin d’en tirer un parti plus avantageux, et moins les lots sont considérables, plus les enchères sont disputées ; les lots les plus faibles sont proportionnellement ceux qui se vendent le plus cher : signe manifeste de l’apparition dans les ventes de gens jusqu’ici exclus de la propriété et qui la recherchent dès qu’elle se trouve à leur portée. Si l’Irlande, après plusieurs années de troubles et de famine, avait quelques années moins funestes, il suffirait aux commissaires des biens hypothéqués de diminuer encore l’étendue des lots pour voir les Irlandais déployer dans l’acquisition de lambeaux de terre la même ardeur fiévreuse avec laquelle ils se disputent aujourd’hui la location de leur masure et de leur jardin. On a déjà vu qu’en Angleterre des associations s’étaient formées pour acquérir de grandes propriétés et les