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était plus grande dans les districts agricoles que dans les districts manufacturiers. Ce qui est certain, c’est que le nombre des délits contre la propriété s’accroît dans une proportion dont on ne trouve d’exemple chez aucun peuple civilisé. Les pages trop courtes et trop incomplètes encore dans lesquelles M. Kay a montré l’influence démoralisante de la misère sur les laboureurs anglais, et a prouvé que la concentration de la propriété entre trop peu de mains enfantait contre elle une sourde hostilité, sont au nombre des meilleures de son livre. Les classes agricoles ont en France sur les classes industrielles une supériorité morale incontestable et d’autant plus heureuse, qu’elles forment les cinq sixièmes de notre population : il est à espérer qu’elles la conserveront toujours en dépit de la propagande socialiste ; mais, là où les mœurs sont le plus corrompues en France, à Lyon, à Elbeuf, à Reims, à Sédan, elles valent pourtant mieux que dans la plupart des comtés d’Angleterre.

Quelques efforts ont été faits pour améliorer le sort des journaliers et pour diminuer le progrès de la dégradation morale, en allégeant la misère qui en est la cause. Nous ne parlons pas seulement des sacrifices faits par beaucoup de propriétaires pour donner aux journaliers qui habitent leurs terres des logemens plus sains et plus commodes nous voulons surtout parler du système des allottments ou lots de terre, introduit par le comte de Fitz-William, lord Hardwick et quelques autres grands seigneurs, et qui consiste à attacher à chaque cottage un terrain susceptible d’être cultivé en jardin. Il y a peu d’années que cet essai est commencé, on n’en peut donc pas tirer encore une conclusion bien précise ; cependant le Chronicle en a fait une appréciation en somme très favorable, mais dont M. Ledru-Rollin n’a reproduit que la partie critique. Il est incontestable que le sort du journalier doit se trouver amélioré, lorsque celui-ci peut joindre à son salaire le produit d’un jardin. Le système des lots de terre n’eût-il pour résultat que de permettre au journalier de substituer ou d’adjoindre au fromage qui fait le fond de sa nourriture les légumes plantés et recueillis par lui, ce serait déjà un notable progrès dans son alimentation et une réduction dans ses dépenses. Néanmoins, quelques efforts que la jouissance d’un jardin fasse faire aux journaliers anglais, elle ne leur inspirera jamais cette ardeur au travail, cette persévérance, cette activité ingénieuse, ces mœurs régulières et cette sobriété qui caractérisent sur le continent les paysans propriétaires. Du reste, il faut renoncer à convaincre les Anglais sur ce chapitre, car un préjugé enraciné fait déraisonner là-dessus les plus éclairés d’entre eux. L’un des esprits assurément les plus indépendans de l’Angleterre, M. Roebuck, sous l’empire de cet aveuglement général, s’est écrié un jour dans la chambre des communes : « Pour le bien-être et le bonheur du pays, les classes laborieuses ne doivent pas avoir d’autre moyen d’existence que leur