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du premier livre des Lois ; c’est un magnifique symbole de l’empire nécessaire que la raison et la loi doivent toujours conserver sur les actions humaines.

« Figurons-nous que chacun de nous est une machine animée, sortie de la main des dieux, soit qu’ils l’aient faite pour s’amuser, ou qu’ils aient eu en la faisant un dessein sérieux, car nous n’en savons rien. Ce que nous savons, c’est que les passions sont comme autant de cordes ou de fils qui nous tirent chacun de leur côté, et qui, par l’opposition de leurs mouvemens, nous entraînent vers des actions opposées, d’où semble résulter la différence du vice et de la vertu. En effet, le bon sens nous dit qu’il est de notre devoir de n’obéir qu’à un de ces fils, d’en suivre toujours la direction et de résister fortement à tous les autres. Ce fil est le fil d’or et sacré de la raison, appelée la loi commune de l’état ; les autres sont de fer et raides. Celui-là est souple, parce qu’il est d’or ; il n’a qu’une seule forme, tandis que les autres ont des formes de toute espèce. Et il faut rattacher et soumettre tous ces fils à la direction parfaite du fil de la loi, car la raison, quoique excellente de sa nature, étant douce et éloignée de toute violence, a besoin d’aide, afin que le fil d’or gouverne les autres[1]. »

C’est faire une chute bien profonde que de redescendre d’une aussi grande élévation à l’humble étude de nos chétives poupées.


VI. – MATERIEL DU THEÂTRE DES MARIONNETTES DANS L'ANTIQUITE.

Nous avons dit que les petits acteurs de Pothein, admis dans l’hiéron de Bacchus, ont dû, comme les mimes, les hilarodes et tous les acteurs d’un ordre secondaire, donner leurs représentations non sur la scène, mais sur le thymélé ou l’orchestre. Il nous reste à éclaircir à présent un point plus difficile : en quel endroit de ce vaste théâtre, bâti à ciel ouvert, se plaçait la main invisible qui dirigeait les fils ? Pothein, par un procédé inverse de celui qu’on emploie de nos jours dans les grands spectacles de marionnettes, se tenait-il, pour faire manœuvrer ses personnages, sous le plancher de l’orchestre, comme on le fait dans les élégans théâtres de marionnettes à la Chine, où les fils qui font mouvoir les acteurs, au lieu de sortir de leur tête, sont disposés sous leurs pieds[2] ? Je ne le pense point. Je crois plutôt, d’après certains indices, qu’on dressait sur l’orchestre une charpente à quatre paris, πήγμα τετράγωνον[3], que l’on couvrait de draperies et dont le fond était assez élevé pour que, placé derrière ce retranchement, ou episcenium improvisé, le maître du jeu pût diriger, d’en haut et sans être

  1. Plat., De lega., lib. I, p. 644. E. Traduction de M. Cousin, t. VII, p. 54, 55.
  2. John Barrow, Travels in China, London, 1804,p. 203. — Berton, la Chine en miniature, t. III, p. 173, et le Magasin pittoresque, année 1847, p. 273 et suiv. Nous avons un exemple de cette disposition dans nos petits pantins de carte.
  3. Suid., voc. Τηλία.