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supposent une marionnette supérieure de quelques pouces à la plus grande de celles qu’a possédées le comte de Caylus ; mais il n’y a rien de certain à conclure des poupées d’enfans aux marionnettes de théâtre, et ces dernières même ont pu, à diverses époques, avoir, comme chez nous, des proportions très différentes.

Quant à la structure, j’ai une observation générale à faire sur toutes les poupées à jointures mobiles trouvées dans les tombeaux d’enfans. Boldetti, après avoir décrit avec soin les quatre figurines de ce genre qu’il a publiées, ajoute qu’on faisait mouvoir ces joujoux au moyen de ficelles, à peu près comme on meut les marionnettes de théâtre : Con queste imaginette giucando i fanciulli, soleano divertirsi moviendole con fili, a guisa (dicamo cosi) di burattini teatrali[1]. Cette assertion, à en juger par tous les monumens que j’ai eus sous les yeux, manque de vérité. Dans les poupées mobiles de nos collections, les bras, les jambes, les cuisses, sont percés d’un seul trou destiné à recevoir l’attache de laiton qui forme la jointure ; mais ces membres ne présentent pas, comme dans les marionnettes de nos jours, un second trou pour recevoir le fil moteur[2]. On ne pouvait non plus attacher ce dernier fil, soit autour du poignet, soit au-dessus du cou-de-pied, car ces parties sont presque toujours si grossièrement modelées, qu’elles n’offrent aucune saillie. Cependant, dans une poupée d’os, d’un assez mauvais travail, trouvée dans un cimetière de Rome et dessinée dans le recueil de M. Muret, on voit au-dessus du cou-de-pied une assez profonde entaille qui pouvait recevoir un fil qui aurait rapproché ce pantin des conditions d’une véritable marionnette.


V. — PERFECTION MÉCANIQUE DES MARIONNETTES ANTIQUES.

Nous savons, par un témoignage à la fois des plus sûrs et des plus imposans, que le mécanisme des marionnettes grecques, probablement de celles de Pothein, avait atteint un très haut degré de perfection. Voici en quels termes Aristote, ou l’auteur du traité De mundo, parle de ces petites merveilles : « Le souverain maître de l’univers, dit-il, n’a besoin ni de nombreux ministres, ni de ressorts compliqués, pour diriger toutes les parties de son immense empire ; il lui suffit d’un acte de sa volonté, de même que ceux qui gouvernent les marionnettes n’ont besoin que de tirer un fil pour mettre en mouvement la tête ou la main de ces petits êtres, puis leurs épaules, leurs yeux et quelquefois

  1. Boldetti, Osservazioni sopra i cimiteri de santé martiri ed antichi cristiani di Roma, lib. II, cap. XIV, p. 497, seq.
  2. Il faut excepter une marionnette trouvée à Panticapé, dont j’ai parlé plus haut, mais dont je n’ai vu que le dessin dans les portefeuilles de M. Muret.