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est vraiment remarquable, c’est que la coutume toute païenne, ainsi qu’on peut le voir dans Plaute[1], Vitruve[2] et Perse[3], d’enterrer avec les enfans les jouets et les poupées qu’ils auraient consacrés aux dieux, s’ils fussent devenus adultes, ait survécu à l’extinction du paganisme : la plupart des jouets de ce genre, qui ornent les cabinets d’antiquités et les musées de l’Europe, proviennent de sépultures chrétiennes ; on en a recueilli un grand nombre, par exemple, dans le tombeau de Marie, fille de Stilicon et femme d’Honorius, lequel fut découvert intact, en 4544, dans le cimetière du Vatican[4].

Buonarotti cite, comme les avant vues dans le musée Carpegna, des poupées d’os ou d’ivoire provenant des cimetières de Saint-Calliste et de Sainte-Priscille, et dont le tronc, les bras et les jambes détachés se rajustaient au moyen d’un fil de laiton[5]. Boldetti a publié quatre de ces poupées, ou fragmens de poupées à ressorts, qui sont conservés dans le Musée chrétien du Vatican. Une de ces figurines est complète et d’un bon travail[6]. À Paris, le Cabinet des médailles et antiques de la Bibliothèque nationale renferme quatre marionnettes romaines d’os et d’un style fort grossier ; deux ont appartenu au comte de Caylus, qui les a fait graver dans son Recueil d’antiquités[7]. L’une est complète, et a les bras et les jambes mobiles. M. de Caylus parle, de plus, d’une figurine de bronze de sa collection, comme d’une marionnette[8] ; je ne crois pas cette opinion soutenable. Ce serait, dans tous les cas, un exemple unique. Enfin, le musée de la ville de Rouen possède deux jolies marionnettes romaines de terre cuite ; toutes deux sont nues jusqu’à la ceinture ; une draperie cannelée descend sur les cuisses ; l’une d’elles porte dans ses cheveux une couronne de lierre. Les bras et les jambes n’existent plus ; mais on voit, par les trous pratiqués aux épaules et aux cuisses, que les genoux et les bras devaient s’y emboîter.

Les comparaisons et les allusions que le jeu des marionnettes fournit en si grand nombre aux poètes et aux philosophes de l’ancienne Rome ne permettent pas de douter que ce divertissement ne fût, du

  1. Plaut., Rud., act. IV, se. iv, v. 37 seqq. et 110 seqq.
  2. Vitruv., lib. IV, cap. I.
  3. Pers., Set. II, v. 70.
  4. Voir pour ces objets, aujourd’hui dispersés : Paul. Aringbi, Roma subterranea, lib. II, cap. Ix, no 11, p. 270, et Cancellieri, De secretar. Basilic. Vatic., t. II, p. 995-1000.
  5. Buonarruotti (sic), Vetri antichi, praefat., p. IX.
  6. Boldetti, Osservazioni sopra i cimiteri di santi martiri ed antichi cristiani di Roma, lib. II, cap. XIV, p. 496, seq., tav. 1, no 1-4.
  7. Caylus, Recueil etc., t. IV, p. 261, pl. 80, n° 1, et t. VI, pl. 90, n° 3.
  8. Le même, ibid., t. VII, p. 164.