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Quant aux marionnettes proprement dites, c’est-à-dire aux statuettes mues par des fils, νουρόσχαστα, les hypogées de toutes les contrées helléniques nous en ont fourni de très nombreux échantillons qui, la plupart, sont de terre cuite ; presque toutes les collections de l’Europe en possèdent : une entre autres, privée de ses extrémités, se trouve dans le Cabinet des médailles et antiques de la Bibliothèque nationale. Il en existe un grand nombre à Catane, dans le musée du prince Biscari, qui en a découvert un magasin tout entier sous les ruines de l’antique Camarina. Cet archéologue en a fait graver une d’une parfaite conservation dans son excellent mémoire sur les jouets d’enfans chez les anciens[1]. Elle est, comme tous les objets grecs de ce genre, de sexe féminin, et vêtue d’une tunique peinte et très juste, tombant sur les jambes. Les bras sont articulés aux épaules, les cuisses le sont aux hanches : la tête est d’un assez bon travail ; le reste est très négligé. Le prince Biscari a fait graver sur la même planche la jambe d’une autre poupée mobile, beaucoup plus grande et d’un travail plus délicat. Une marionnette intacte, recueillie en Crimée aux environs de la moderne Kertsch par M. Aschik, directeur du musée de cette ville, appartenait à un tombeau d’enfant, découvert dans les ruines de l’antique Panticapée. M. Raoul-Rochette a publié cette statuette dans le tome XIIIe des Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres[2], d’après un dessin communiqué par M. Aschik. Elle est vêtue d’une tunique rouge clair, qui se termine à la ceinture. La tête est d’un travail assez fin ; mais, comme il arrive presque toujours, les membres sont à peine ébauchés. J’ai sous les yeux le dessin de plusieurs autres poupées antiques qu’a bien voulu me communiquer M. Muret, attaché au département des médailles de la Bibliothèque nationale. Une d’elles, qui a fait partie de la collection de M. Dubois, sous-directeur du musée du Louvre, est entièrement nue. Deux, ce qui est fort rare, sont complètes : l’une vient de Milo et est semblable à celles de Camarina. Toutes ces statuettes ont la tête ceinte d’une stéphanè, ou coiffure basse, en forme de couronne, à laquelle les antiquaires donnent, je crois, le nom particulier de polos. Le portefeuille de M. Muret vient encore de s’augmenter d’une marionnette trouvée à Panticapée ; elle est nue, les épaules sont disposées pour recevoir des bras mobiles. Les jambes, qui sont intactes, présentent un système d’articulation fort remarquable : elles se joignent aux cuisses au moyen d’un pivot qui s’y emboîte ; la mobilité était communiquée par un fil qui traversait un trou pratiqué latéralement dans chaque cuisse. Enfin, M. Wattier de

  1. Voy. Ignazio Paterno’ Castello, principe di Biscari, Ragionamento sopra gli antichi trastulli, etc., p. 20, tav. v, n. 1, 2.
  2. Voy. t. XIII, seconde partie, p. 625, pl. VIII, fig. 4.