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mouvait par des ficelles. Un joueur de flûte précédait, et les femmes suivaient en chantant. »

Nous trouvons plus tard, en Syrie, un autre exemple de cette pieuse et singulière mécanique[1]. Lucien, ou l’auteur qui a écrit le traité De Syria Dea, raconte qu’il existait dans l’enceinte du temple d’Hiérapolis plusieurs énormes phallus, sur lesquels on avait coutume de poser de petits hommes de bois, construits comme ceux dont parle Hérodote[2].

La statue fatidique de Jupiter Ammon ne rendait ses oracles, suivant le témoignage des anciens, qu’après avoir été portée en procession dans une nacelle d’or, sur les épaules de quatre-vingts prêtres, auxquels elle indiquait par un mouvement de tête la route qu’elle voulait suivre. Diodore de Sicile exprime cette dernière circonstance par une expression qui ne peut laisser de doute[3].

Quelque chose de semblable se passait dans le temple d’Héliopolis[4]. Lorsque le dieu, auquel le pseudo-Lucien donne le nom d’Apollon, bien qu’il ne fût ni jeune ni imberbe, voulait rendre ses oracles, la statue, qui était d’or, s’agitait d’elle-même ; si les prêtres tardaient à l’enlever sur leurs épaules, elle suait et s’agitait de nouveau. Quand ils l’avaient prise et placée sur un brancard, elle les conduisait et les contraignait de faire plusieurs circuits. Enfin, le grand-prêtre se présentait devant le dieu et lui soumettait les questions sur lesquelles on le consultait. S’il désapprouvait l’entreprise, il reculait en arrière ; s’il l’approuvait, il poussait ses porteurs en avant et les conduisait comme avec des rênes. « Enfin, dit l’auteur auquel nous empruntons ces détails, le prodige que je vais raconter, je l’ai vu : les prêtres ayant pris la statue sur leurs épaules, elle les laissa à terre et s’éleva toute seule vers la voûte du temple[5]. »

Callixène, dans le Banquet d’Athénée, a fait une curieuse relation de la pompe que Ptolémée Philadelphe célébra en l’honneur de Bacchus et d’Alexandre. On vit, après plusieurs autres singuliers spectacles, s’avancer un char à quatre roues sur lequel était assise la statue de la ville de Nyssa, où Bacchus recevait un culte particulier. Cette figure, haute de huit coudées, vêtue d’une tunique jaune brochée d’or et d’un manteau macédonien, se levait comme par sa propre volonté, versait du lait avec une coupe et se rasseyait, sans qu’il parût que personne l’eût touchée[6].

  1. Granpré l’a rencontrée au Congo. Voyez Voyage en Afrique, t. I, p. 118
  2. Pseud. Lucian., De Syria Dea, § 16.
  3. Nευμχ, nutus. Voyez Diodor., lib. XVII, Op., t. II, p. 199.
  4. Le pseudo-Lucien (ibid., § 36) dit Hiérapolis ; Macrobe (Saturnal, lib. 1, cap. 23) dit mieux Héliopolis.
  5. Les anciens connaissaient les propriétés attractives de l’aimant sur le fer.
  6. Athen., lib. V. p. 197, seqq.