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pris individuellement sont à cet égard dans les mêmes vues que le gouvernement lui-même. Cette idée n’est donc point une simple théorie ; c’est une force réelle, dont chacun peut dès à présent apprécier l’action. Cet état de choses offre à la France, nous le croyons, de grandes ressources pour sa politique sur le Rhin et sur le Danube.


La Hollande, l’Angleterre et la Belgique. – Législation commerciale, par M. Matthyssens d’Anvers. — L’intérêt du commerce est l’intérêt du travail, et, à ce titre, la France doit se montrer préoccupée plus vivement que jamais de tout ce qui peut influer sur les conditions des transports et des échanges. Les révolutions sont venues détourner le pays des études qu’il avait commencées sur cette matière dans nos derniers jours de paix sociale. Au contraire, nos voisins d’outre-Manche ont entrepris et accompli l’année dernière une réforme des plus graves dans leur législation commerciale ; ils ont embrassé, le pouvant faire avec avantage, les doctrines du libre échange. Déjà la Suède a répondu à ces avances. La Hollande se prépare aussi à faire quelques concessions. Un des économistes les plus distingués de la Belgique, M. Matthyssens, s’est proposé de traiter cette question des échanges du point de vue de son pays, et il l’a fait en se livrant à des considérations très élevées. M. Matthyssens cherche à prémunir la Belgique contre les illusions que la conduite de la Suède et de la Hollande pourrait inspirer au commerce belge. L’habile économiste se demande d’abord deux choses : Y aurait-il avantage pour la Belgique à remplacer son système de droits différentiels par celui de la liberté complète ? Peut-elle exposer son industrie, son commerce, sa marine aux chances de la concurrence illimitée ? Ou bien la Belgique doit-elle, à l’exemple de la France, se raidir dans le système prohibitif et se refuser à toute concession ? M. Matthyssens se prononce contre les deux partis extrêmes, et il conseille à son pays de chercher un terme moyen entre les théories absolues, de s’engager peu à peu dans les voies de la liberté, mais en ne renonçant à la protection qu’alors que le progrès industriel et commercial, stimulé par une éducation professionnelle plus étendue, aura atteint un degré de développement qui permette de procéder sans péril à des réformes plus profondes. Suivant M. Matthyssens, plusieurs des industries belges peuvent dès aujourd’hui supporter le régime de la libre concurrence ; d’autres n’ont plus besoin que de la protection dont les similaires jouissent ailleurs ; d’autres au contraire doivent trouver sinon dans une protection plus forte, du moins dans un encouragement efficace, la force de grandir et de prospérer. Ces considérations, développées avec beaucoup de clarté, montrent chez l’auteur une connaissance approfondie des matières commerciales et une grande habitude du style des affaires.



V. DE MARS.