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raison qu’ils se montraient hostiles aux Slaves ; mais le publiciste quasi-officiel ne craint point de critiquer, autant que les lenteurs du général en chef, le système d’éparpillement suivi par lui pour l’occupation de la Theiss. Ce système, dit-il, a contribué essentiellement à amener la catastrophe finale.

Le choix du général Welden, qui succéda au prince Windischgraetz, n’était pas de nature à relever la fortune de l’empire. Le général Welden, homme de dévouement, n’avait accepté le commandement que par esprit de sacrifice. Le mal était fait ; l’insurrection était victorieuse, et l’Autriche ne pouvait plus se sauver que par un effort surhumain ou par le concours d’une force étrangère. D’une part, elle recourut à la Russie, qui ne refusa point de venir à son aide, ayant elle-même des précautions à prendre pour empêcher l’insurrection de s’étendre chez elle, et heureuse d’ailleurs d’avoir l’occasion d’exercer au dehors une grande influence. D’autre part, le commandement de l’armée autrichienne fut confié à un général d’une extrême énergie et d’une inflexible volonté, le feldzeugmestre Haynau.

Il s’agissait beaucoup moins qu’au commencement de la guerre de tenir réunis en un seul faisceau les peuples alliés de l’Autriche ; il ne pouvait plus être question que de se battre avec vigueur, et d’aller droit à l’ennemi. C’est le mérite que l’historien de la guerre de Hongrie reconnaît avant tout autre au général Haynau. L’esprit d’initiative était d’ailleurs fortifié en lui par des connaissances militaires très distinguées.

L’Autriche avait à sa disposition plusieurs généraux résolus et brillans. Il n’en était point de plus brave que Schlik, vrai type du batailleur par sa physionomie comme par sa témérité même. Des qualités analogues se montraient réunies dans Jellachich aux allures les plus chevaleresques et à un esprit d’une haute portée. Schlik ne paraissait pas avoir l’ambition du commandement en chef. Jellachich ne professait point le même désintéressement ; mais le cabinet craignait de donner trop d’influence aux Slaves en le plaçant à la tête de l’armée. Le choix du général Haynau entrait davantage dans les vues du gouvernement, et lui donnait des garanties suffisantes de fermeté et de hardiesse. En effet, du moment où les Russes sont entrés en ligne et que le général Haynau s’est senti libre de ses mouvemens, il a conduit les affaires avec une vigueur que l’armée impériale n’avait point encore montrée dans la guerre de Hongrie. Il semblait animé de la pensée très honorable de dérober le plus souvent possible aux alliés de l’Autriche les occasions de se battre. Rien de plus naturel dans la situation où se trouvait l’empire. L’armée autrichienne devait être préoccupée de rechercher la plus grande part du péril, et c’est la pensée de ce devoir qui semblait exalter le général Haynau. Ses manœuvres rapides à la poursuite du corps de Dembinski, de Pesth sur Szégédin, et de Szégédin sur Témesvar, ont décidé, on peut le dire, du sort de la campagne.

L’auteur de l’Esquisse de la Guerre de Hongrie a signalé ce trait principal de la seconde phase de la guerre, en essayant de déterminer la part qui doit revenir à l’armée russe dans le dénouement. Il constate que les deux commandans généraux sont demeurés indépendans l’un de l’autre, et qu’ils ont agi d’après des principes différens. Le jugement qu’il porte sur l’un et l’autre n’est point sans intérêt. « Écraser, dit-il, l’insurrection par les masses imposantes qu’il a mises sur pied, combiner leur emploi sur les points stratégiques importans,