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tandis que le parti modéré se tiendrait sottement renfermé dans le respect de ces lois successives faites par l’insurrection et ne pourrait pas même obtenir la stabilité des lois qui lui déplaisent. Non, le parti démocratique respectera la constitution de 1848 qu’il a faite pour lui-même contre nous, ou, s’il viole cette constitution, elle sera violée pour tout le monde et périra pour tout le monde. Voilà ce qui est bien entendu maintenant, voilà ce qui donne à la situation une netteté et une précision singulières.

Oui, s’il y a une insurrection démagogique, nous savons ce que nous avons à faire, nous savons où nous irons. Nous irons à une constitution plus analogue aux mœurs et aux sentimens de la France que la constitution de 1848, à une constitution qui ne crééra pas avec un soin tout particulier l’impuissance et l’instabilité du pouvoir exécutif, et, pour aller vers cette constitution, nous aurons la liberté que nous auront faite nos adversaires par leur insurrection même contre la constitution et contre les pouvoirs qu’elle a créés.

Mais si nos adversaires ne font pas d’insurrection, s’ils se soumettent à la loi votée, où irons-nous ? demande un membre de la majorité, M. Vézin, qui a cette disposition d’esprit que nous ne blâmons pas toujours, mais que nous trouvons inopportune en ce moment, de craindre surtout la victoire de son parti, comme si, hélas ! la victoire du parti modéré était autre chose que l’avantage de ne pas mourir à jour fixe. Oui, la réforme électorale, oui, l’amélioration morale du suffrage universel aboutit seulement à ce point-ci : nous ne mourrons pas tous dans deux ans. Voilà le grand triomphe que nous allons remporter ! y a-t-il là de quoi beaucoup s’effrayer ? Où irons-nous ? Nous irons moins vite et moins sûrement au cimetière ! Pourquoi non ? M. Vézin croit que la réforme électorale est le commencement de quelque chose ; nous l’espérons bien. Oui, c’est le commencement de quelque chose de fort nouveau dans notre pays depuis deux ans ; c’est le commencement d’un peu de sécurité légale, c’est la première des lois de septembre, et nous sommes de ceux qui croient que les lois de septembre 1835 ont beaucoup fait pour l’affermissement de la monarchie de juillet et pour la dispersion des factions. Nous dirons donc à M. Vézin : Si la loi est votée[1], il arrivera de deux choses l’une : ou bien le parti démagogique s’insurgera contre la constitution, c’est-à-dire contre le pouvoir législatif constitué, et alors, nous l’avouons, ce sera la fin de la constitution ; ou bien il n’y aura pas d’insurrection, et le parti démagogique se soumettra à la loi : alors nous profiterons des bons effets de la loi, et nous aurons le suffrage universel purifié par la loi avant de le purifier par la révision. Qu’on ne dise donc pas d’un air de mystère et d’effroi : Où allons-nous ? — Nous allons, s’il y a soumission, aux bons effets de la loi nouvelle, et, s’il y a insurrection, à la réforme de la constitution de 1848. De ces deux avenirs que nous ouvre si heureusement la politique ferme et décisive du président de la république et de la majorité de l’assemblée, nous aimons mieux le premier ; mais nous ne craignons pas le second.

Nous croyons à la déroute du parti socialiste et montagnard ; nous ne croyons pas à sa conversion. Les chefs changent de langage à cause de la dureté des circonstances ; mais, au fond, les sentimens sont les mêmes. Voyez les pétitions

  1. Elle a été votée dans la séance d’aujourd’hui par 433 voix contre 241