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I — GEORGE FOX.

Certes, c’était un triste spectacle que celui de la société anglaise au commencement du XVIIe siècle. On a accusé les Stuarts d’avoir été la cause de la révolution. Ils en furent sans doute l’occasion, mais était-il en leur pouvoir de conjurer l’orage ? Cela est fort douteux, car l’esprit de système était alors déchaîné au milieu d’un amas de convictions divergentes. Si les partis n’étaient point encore aigris comme ils le furent plus tard, ils n’en formaient pas moins des sectes dogmatiques aveuglément résolues à attaquer quand même tout ce qui ne découlait pas de leurs principes ; et, comme ils partaient tous de principes opposés, ils ne pouvaient manquer tôt ou tard de se heurter. La confusion datait de loin, et tout semblait s’être réuni pour la rendre irrémédiable. Un beau jour, Henri VIII, tout en se piquant d’orthodoxie, avait défendu à toutes les consciences de son royaume de reconnaître la suprématie du pape, et le statut 32 de son règne avait décidé que « tout ce que sa majesté ordonnerait en matière de religion serait obligatoire pour tous ses sujets. » Après Henri VIII, qui avait ordonné à l’Angleterre de rester à demi catholique, Édouard VI était venu lui enjoindre de se faire calviniste ; puis Marie l’avait sommée de redevenir catholique, et Élisabeth lui avait commandé de reprendre les croyances protestantes d’Édouard. À leur tour, les Stuarts ne se firent pas faute d’user des mêmes privilèges. Par des amendes, des emprisonnemens et des décrets, ils essayèrent successivement de faire prévaloir une foi et une discipline plus ou moins arminiennes, plus ou moins favorables à la hiérarchie épiscopale. En réalité, depuis Henri VIII jusqu’à l’ouverture du long-parlement, le pays avait donc traversé sept ou huit révolutions religieuses, et il en était résulté ce qui résulte en politique des procédés de pareille nature. En appelant sans cesse l’attention générale sur les mêmes questions, ces violentes secousses avaient changé toutes les têtes en autant d’alambics constamment occupés à élaborer des vérités incontestables. On ne saurait mieux se faire une idée des exaltations de l’époque qu’en se rappelant l’état moral de la France après février, alors que de la Manche à la Méditerranée il n’y avait pas un homme, avocat, tailleur ou cuisinier, qui n’employât toutes ses heures à sauver l’humanité, pas un qui n’eût sa façon à lui de comprendre les droits immuables, les principes éternels et tout ce qui s’ensuit. En Angleterre seulement, c’était le problème religieux que les oracles travaillaient à résoudre, et la liberté de la chaire remplaçait alors nos clubs et nos journaux. Du reste, chacune des sectes rivales croyait, comme chez nous, que son système était de droit divin et que son devoir était de subjuguer tous les autres. Bref, c’était le chaos, et le chaos sans une lueur d’espérance. S’il était évident