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Dans l’église de Saint-Augustin, on remarque pourtant, entre autres objets précieux, le plus beau marbre que possède l’Amérique, la statue de sainte Rose, délicieuse composition que ne répudierait pas le ciseau de Canova. Quant aux couvens de femmes, très nombreux à Lima, il faut renoncer à y pénétrer ; les hommes n’y sont jamais admis. Tous possédaient autrefois de magnifiques peintures que les rois d’Espagne se plaisaient à y envoyer ; la plupart de ces tableaux ont malheureusement disparu ; le musée, très pauvre d’ailleurs si ce n’est en antiquités indiennes, en conserve à peine quelques-uns. On y peut voir cependant une curieuse collection des portraits de tous les vice-rois et des premiers présidens du Pérou, depuis Colomb jusqu’au grand-maréchal Lémar.

Églises, couvens, maisons, tout, on le voit, est espagnol à Lima. Pour distinguer les nuances que le climat et le mélange des races ont introduites dans le type primitif de la population, il faut s’éloigner des quartiers du centre et comparer les rues qu’habite le peuple à celles où réside de préférence la classe aisée ; il faut surtout pénétrer dans l’intérieur des habitations. Partout, chez le pauvre comme chez te riche, la même réception hospitalière vous attend ; partout vous retrouverez cette cordialité charmante qu’exprime si bien dans la langue espagnole le mot intraduisible de confiansa. Si cependant vous cherchez quelque trace des mœurs européennes, c’est aux maisons du centre de la ville qu’il faut vous adresser. Il y a une heure à Lima où tous les salons sont ouverts. Une lampe posée au milieu de l’appartement, en face de la grande porte qui donne sur la rue, projette sa lumière dans la cour intérieure, et semble dire au passant que la famille est réunie, attendant les visiteurs. Entrez sans crainte, à peine avez-vous besoin de présentation. Si vous êtes étranger, c’est de vous que l’on s’occupera surtout ; si vous êtes Français, c’est de la France, c’est de Paris qu’on vous parlera, de ce Paris qui, aux yeux des Liméniennes et idéalisé par la distance, se transforme en une vraie cité des Mille et une Nuits. La casa esta a la disposition de usted (la maison est à votre disposition), vous dit-on quand vous vous retirez, et en effet la maison est à vous ; à la deuxième ou troisième visite, vous y dites reçu comme un vieil ami. Déjà on vous en donne le titre, amigo, ou bien on vous désigne par votre prénom, accompagné seulement de la particule aristocratique don. Si j’insiste sur ces particularités bien connues des mœurs de la Péninsule, telles qu’on peut les observer à Lima, c’est pour montrer combien l’influence de la civilisation apportée par les compagnons de Pizarre est demeurée persistante au Pérou.

Ce caractère espagnol, conservé dans la vie intime des Liméniens apparaît, je l’ai dit, plus ou moins tranché, suivant qu’on se rapproche