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citoyen. Voltaire, qui l’avait connu dans un voyage de Hollande et parle de lui avec éloge dans sa Correspondance, lui adressa d’assez beaux vers, dans lesquels il comparait l’estimable diplomate hollandais à Démosthène, à Pindare et à Tyrtée. Quand il était en humeur louangeuse, Voltaire n’y regardait pas de trop près. On connaît ses jolis vers au charmant roi de la Chine, mais tout le monde ne sait pas qu’ils furent écrits à l’occasion d’une pièce de vers que l’empereur Kien-Loung avait composée sur la prise de la ville tartare de Moukden, qui, après une défense héroïque, fut traitée avec la plus grande cruauté par le charmant empereur ; il est vrai qu’il avait persécuté les jésuites. Van. Harem, frère de Guillaume, mérite mieux une place ici par son poème des Gueux, qui respire d’un bout à l’autre l’enthousiasme patriotique le plus ardent. Depuis les deux Van Harem, le sentiment national, ravivé par eux dans la poésie hollandaise, n’en est plus sorti. Il inspira de mâles accens contre les ennemis de la patrie, ou en l’honneur de ses héros et de ses triomphes, au mélancolique Feith, qui chanta la victoire de Doggersbank et le grand-amiral Ruyter ; le même sentiment anima les chants de Bellamy ; c’est là que se trouvent les Vers à un Traître que M. Marmier a cités autrefois dans cette Revue. Bellamy mériterait mieux le nom de l’Archiloque hollandais que Van Harem les noms de Pindare ou de Tyrtée. La nouvelle école poétique qui s’est élevée en Hollande se rattache à ce mouvement national que la littérature hollandaise a reçu à la fin du XVIIIe siècle. Le poème des Gueux a été publié en 1830 par Bilderdijk, le talent le plus varié et, à quelques égards, le plus remarquable que la Hollande ait produit dans la dernière phase de son développement.

Beaucoup d’autres noms, parmi lesquels il en est qui sont très honorablement portés par des écrivains vivans, seraient dignes d’être plus connus en France. Le nom que je tenterai aujourd’hui d’introduire auprès de mes compatriotes est celui d’une femme qui a déjà produit un grand nombre de romans ; je choisirai parmi eux celui qui a pour titre : Leicester dans les Pays-Bas, et qui est pénétré d’un bout à l’autre de ce sentiment national dont j’ai signalé la présence dans quelques autres monumens de la littérature hollandaise. Mlle Toussaint appartient à une famille de réfugiés, comme le prouve son nom d’origine française. Elle est née à Alkmaar, dans la Nord-Hollande. Pour ceux qui, avant d’aborder les ouvrages d’un auteur, sont bien aises de faire connaissance avec sa personne, et ce désir se conçoit particulièrement quand l’auteur est une femme, nous empruntons à un journal littéraire hollandais ce portrait dont nous lui laissons la responsabilité[1] : « Sa personne est extraordinairement petite et mignonne, sa taille est fine et délicate, la vivacité de ses mouvemens et de sa physionomie

  1. De Tijd, deel VI, 323.