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au milieu des kiosques, des pavillons indiens, des ponts chinois, des serres chaudes pleines de plantes exotiques, parmi des ombrages tels que les peint Ruysdael, et dans lesquels se joue la capricieuse et fantastique lumière de Rembrandt.

Puisque la Hollande diffère autant par la physionomie qui lui est propre de toutes les autres contrées, on doit s’attendre à trouver chez les Hollandais le cachet d’une nationalité bien tranchée. En effet, nulle part en Europe le type national ne s’est conservé plus intact. Les Hollandais ne se ressemblent pas tout-à-fait entre eux autant que leurs maisons de briques, leurs rues plantées d’arbres et bordées de canaux, les plaines fertiles et monotones de leur pays ; mais il est certain qu’ils se ressemblent beaucoup, sauf quelques différences qui tiennent aux provinces. Dans la famille des nations européennes, la nation hollandaise est un individu dont le caractère est fort nettement accusé, et qu’on ne peut être tenté de confondre avec aucun autre.

C’est que cette nation n’est point, comme la nation belge par exemple, une agrégation de populations diverses que les événemens et les circonstances ont réunies sous un même sceptre. La Hollande s’est créée elle-même ; elle s’est formée et s’est maintenue par sa propre énergie ; elle a commencé par faire son sol. Ici ce n’est pas l’homme qui est né de la terre, c’est la terre qui est née de l’homme ; mais cette terre conquise sur l’Océan, il a fallu la défendre contre lui : de là une lutte de tous les jours, des efforts incessans, un combat sans relâche. Cette guerre patiente contre la nature a trempé le flegme courageux des Hollandais ; puis il a fallu soutenir une autre lutte, d’autres combats après l’Océan, Philippe II et Louis XIV. Deux fois les digues de Hollande se sont trouvées aussi fortes contre l’envahissement de l’étranger que contre l’irruption des flots, et quand l’étranger a pénétré jusqu’à leur pied, percées par des mains patriotiques, elles se sont ouvertes pour l’engloutir. L’histoire d’un tel peuple ne peut manquer d’intérêt ; il y a en Europe deux pays peu considérables, qui, par la puissance à laquelle ils se sont élevés pendant une période de leur existence, mériteraient des historiens : la Hollande et le Portugal. Tous deux ont rempli les mers lointaines de leur nom, tous deux ont soumis de vastes régions à un territoire borné, tous deux ont eu leur âge d’éclat et de grandeur ; mais il y a cette différence, que le Portugal est tombé avec le roi Sébastien dans le champ d’Alcacer Kehir, et que le fantôme de son antique gloire n’a pas reparu plus que le roi Sébastien lui-même, toujours vainement attendu. Tour à tour soumis à l’Espagne ou dépendant de l’Angleterre, le Portugal a vu se détacher de lui ses possessions transatlantiques, et il s’épuise aujourd’hui au sein de la misère et des troubles politiques. La Hollande, au contraire, est à cette heure un pays libre, riche, prospère : elle a 15 millions de sujets dans la mer des Indes, sous le plus beau ciel de l’univers. Pendant douze