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orage, d’une crise plus ou moins redoutable. Or, ce sentiment de méfiance envers l’autorité est très répandu dans la masse du peuple ottoman, et y fait des progrès rapides à mesure que le contribuable turc arrive à vider son compte courant avec le gouvernement et qu’il parvient à se persuader de cette simple vérité, que depuis les réformes il paie beaucoup plus sans avoir obtenu une condition sinon supérieure à sa condition ancienne, du moins meilleure relativement à l’étendue des sacrifices qu’il s’est imposés. Il y a quelque chose de fondé, on ne peut le méconnaître, dans ces impressions de désappointement, j’ajouterai même dans le sentiment de regret qui bien souvent les accompagne. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à comparer le cadre actuel des impôts dont sont frappées les provinces ottomanes avec celui des époques antérieures au système nouveau, à rapprocher, par exemple, du montant des contributions prélevées sur les habitans d’Angora depuis la proclamation du hatti-chérif de Gulhané le montant des mêmes contributions telles qu’on les exigeait antérieurement à la réforme.


Nationalité des contribuables Montant annuel des contributions de la ville d’Angora
Avant la réforme Aujourd’hui
Mahométans 167,360 piastres. 227,850 piastres.
Catholiques 82,000 231,984
Grecs 38,102 78,312
Arméniens 9,164 18,480
Totaux 296,626 piastres. 56,626 piastres.

À l’époque où la province de Bozok était administrée par la famille Tchapan-Oglou (il n’y a pas encore une quarantaine d’années), elle fournissait annuellement 200,000 piastres de contributions et de plus 60,000 kilos de blés à titre de dîme ; en évaluant le mud à 200 piastres, prix actuel de la mesure de blé dans cette localité, les 60,000 kilos représenteraient aujourd’hui environ 700,000 piastres, ce qui, ajouté au produit des contributions, ferait monter à 900,000 piastres le total du, revenu que les Tchapan-Oglou tiraient de la province de Bozok, qui jouissait alors d’un calme et d’une sécurité parfaite. Cependant cette province, malgré les vexations et les brigandages qui l’affligent depuis la chute de l’ancienne administration, fournit aujourd’hui au trésor impérial des contributions très supérieures, comme on en peut juger par les chiffres suivans :