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ou de l’ouest. Outre ces abris encore insuffisans, on pourrait signaler aussi en Anatolie plus d’une localité favorable à l’établissement presque immédiat de ports riches et productifs. Sans parler du superbe golfe de Smyrne, je citerai les baies de Mermeridja, de Makri et de Kastellorizo, qui offrent une retraite admirable aux bâtimens, abrités de tous, côtés, soit par la saillie des côtes terminées en promontoire ou recourbées en croissant, soit par des îles qui forment autant de jetées naturelles. Déjà, malgré l’état de langueur commerciale que prolonge pour l’Asie Mineure l’absence des voies de communication, les échelles du littoral méridional servent de débouchés à divers produits de l’intérieur de ce pays. C’est ainsi que les forêts de la Cilicie et de la Pamphilie, les fertiles plaines d’Isbarta, de Karayoukbazar, de Karaman, de Konia, etc., si riches en céréales, dirigent leurs bois, leur vallonnée et leurs grains vers les échelles de Sélefké, de Kalendriéa, de Makri, d’Adalia, etc. Ici encore cependant, comme dans presque toute l’Asie Mineure, ce sont quelques Grecs et surtout quelques spéculateurs européens qui recueillent tous les bénéfices. Dans les échelles de Makri et d’Adalia, par exemple, les maisons de Smyrne, de Marseille, de Trieste, et les maisons anglaises, en première ligne, ont des agens chargés d’accaparer tous les produits qu’envoient à la côte les contrées voisines ; ces produits, offerts à des prix très modiques, sort expédiés soit à Rhodes, soit à Smyrne, d’où ils passent le plus souvent en Europe. Les plus habiles de ces spéculateurs, installés dans les échelles méridionales de l’Anatolie, sont, sans contredit, les agens consulaires anglais, qui étendent sur toute l’Asie Mineure le réseau de leurs vastes opérations ; ils spéculent particulièrement sur la hausse et la baisse du prix des grains et réalisent ainsi d’énormes bénéfices.. En 1846, le consul anglais d’Adalia avait expédié pour l’Europe plusieurs bâtimens chargés de froment et de seigle ; il en avait retiré près de 50,000 fr. de bénéfice net. Le vice-consul anglais de Samsun, les consuls de Trébisonde et de Tarsus se livrent également à des spéculations plus ou moins lucratives, favorisées par l’administration turque, qui se contente d’une faible part dans les produits, et qui ne se sent guère en mesure de rien refuser aux agens d’une grande puissance européenne. En général, les Européens savent toujours se soustraire aux monopoles, aux vexations qui accablent les sujets musulmans ; bien souvent même on modifie en leur faveur les règlemens douaniers, ceux des quarantaines, les droits de vente, les droits de passeports. De telles entraves sont bonnes pour les pauvres ou pour les rayas ; elles tombent presque toujours devant ces argumens persuasifs auxquels les fonctionnaires turcs sont rarement insensibles, et qui ont pour résultat ordinaire de contenter les deux parties aux dépens du fisc impérial.