les principaux documens qui se rapportent à l’époque mérovingienne. Quel eût été le caractère d’une épopée écrite par Béranger ? A cet égard, nous ne pouvons former que des conjectures ; pourtant il est permis de croire que cette œuvre si laborieusement préparée n’aurait eu rien à démêler avec le merveilleux païen ou chrétien ; il est probable que le poète nous eût raconté la lutte de la race germanique et de la race gallo-romaine sans appeler à son aide les démons ou les anges ; il est probable qu’il eût cherché dans l’histoire seule tous les incidens, tous les épisodes de son poème. La nature de son génie l’appelait-elle à l’accomplissement de cette tâche difficile ? Il ne l’a pas pensé, et rien ne nous donne le droit de dire qu’il s’est trompé. L’accuser de pusillanimité serait de notre part une ridicule flatterie ; mais, si nous ne pouvons le blâmer d’avoir renoncé à son projet, nous pouvons sans témérité affirmer que, sans ce projet si long-temps nourri dans sa pensée, il n’eût jamais rencontré la grandeur, la sévérité de style qui recommandent la meilleure partie de ses œuvres. C’est en marquant bien haut et bien loin le but de son ambition qu’il a compris la nécessité de réfléchir mûrement avant de produire sa pensée, de chercher à loisir pour l’expression de ses sentimens la forme la plus élégante ; c’est en proposant à ses efforts un terme qui reculait chaque jour qu’il s’est instruit dans l’art si utile de se contenter difficilement. Je pense que ce projet épique, en obligeant le futur poète à de continuelles méditations, en le forçant de chercher, parmi les œuvres du même genre, celle dont l’action et les personnages pouvaient offrir à son imagination l’occasion d’une lutte glorieuse, lui a rendu un premier service. Si Béranger n’eût rêvé que les couvres qu’il nous a données, il est permis de supposer qu’il ne leur eût pas imprimé le cachet d’élégance et de sévérité que nous admirons.
L’épopée n’a pas été la seule ambition de Béranger. La comédie ne l’a pas tenté moins vivement. Doué d’un esprit naturellement observateur, enclin à la raillerie, habile à saisir le côté ridicule de tout homme et de toute chose, il semble qu’il aurait dû céder à cette dernière tentation, et pourtant il a résisté courageusement. Malgré, son goût, malgré son talent pour l’ironie, il n’a pas osé s’aventurer dans la comédie. Pourquoi ? Nous n’avons pas à le deviner. Ses amis ne l’ignorent pas, et ont pris soin de nous l’apprendre. La lecture de Molière, en le frappant d’étonnement et d’admiration, l’a détourné de ce nouveau projet. L’étude de ce grand modèle, au lieu d’exciter son émulation, lui a inspiré une telle défiance de lui-même, qu’il a renoncé à la comédie comme il avait renoncé à l’épopée. Devons-nous le blâmer ? devons-nous l’applaudir ? Si nous ne consultons que notre intérêt personnel, nous le blâmerons, car, avec les facultés qu’il possède, qu’il nous a révélées, il n’est pas douteux qu’il eût réussi dans la comédie ; il aurait saisi avec bonheur, reproduit avec habileté les caractères