l’Allemagne en général. Il était le parlement de l’union restreinte ; or, l’union restreinte est ce qu’il y a de plus contraire à l’idée primitive de l’unité allemande ; l’union restreinte faisait deux Allemagnes, nous avons même vu le moment où il semblait qu’il y aurait trois Allemagnes : une Allemagne prussienne, une Allemagne autrichienne, une Allemagne enfin composée des petits états germaniques. On était loin alors, comme on le voit, de l’unité primitive et désirée, puisqu’au lieu d’une seule Allemagne on en aurait eu trois. Instrument de l’union restreinte dont la Prusse était le plus grand état, le parlement d’Erfurth semblait devoir devenir l’instrument de l’agrandissement de la Prusse, qui, directrice souveraine de l’union restreinte, aurait peu à peu réduit les petits princes allemands à la condition que la compagnie anglaise des Indes a faite aux petits princes hindous. La Saxe et le Hanovre, craignant cet avenir, se sont hâtés de se retirer de la ligue qu’ils avaient faite avec la Prusse, et cette défection a fait que le parlement d’Erfurth a été ou a paru plus que jamais un parlement prussien.
D’un autre côté, avons-nous dit, le parlement d’Erfurth était trop Allemand pour être Prussien. L’unité de l’Allemagne est une idée littéraire en Prusse ; mais la grandeur de la Prusse est une idée nationale. La Prusse veut bien que l’Allemagne soit unie, mais elle veut surtout que la Prusse soit grande et puissante. Elle veut bien se servir de l’Allemagne pour agrandir la Prusse, mais elle ne veut à aucun prix que la Prusse serve à agrandir l’Allemagne. C’est parce que le parlement de Francfort voulait se servir de la Prusse pour agrandir l’Allemagne que la Prusse l’a combattu et l’a vaincu en lui opposant les armes d’abord et le parlement d’Erfurth ensuite. Ce parlement d’Erfurth, suscité comme un rival contre le parlement de Francfort, avait d’abord eu un grand avantage. Il était annoncé, espéré, attendu, mais il ne vivait pas. Il a fallu enfin se décider à le faire vivre. Dès qu’il a vécu, il est devenu embarrassant pour ses auteurs. Il avait fallu en effet, pour mieux l’opposer au parlement de Francfort, lui donner quelque chose de la mission du parlement de Francfort. Il avait fallu dire que c’était aussi un parlement germanique. Il a pris ses parrains au mot, et, quand il s’est trouvé à Erfurth, il a voulu être le parlement de l’Allemagne, le successeur et le remplaçant sage et honnête du parlement de Francfort, ayant autant de pouvoirs et de droits que le parlement de Francfort, mais ayant plus, de lumières et de meilleures intentions. Il a voulu enfin représenter la révolution de 1848 en la corrigeant et en la réglant. C’est là ce qui a causé sa fin prématurée. La révolution de 1848 n’est guère en faveur auprès des dynasties allemandes, et ce n’était guère une garantie de longue vie pour le parlement d’Erfurth que de lier son origine à cette révolution. Aussi voyons-nous que dans le message de clôture qui a mis fin à ses jours, sous prétexte de l’ajourner, les commissaires prussiens lui donnent le nom pompeux et significatif de premier parlement allemand. Si le parlement d’Erfurth est le premier parlement allemand, le parlement allemand de 1848 est donc regardé comme nul et non avenu. Chose bizarre et triste, si le parlement d’Erfurth est le premier parlement allemand, il n’a pas de cause d’être suffisante ; d’un autre côté, s’il est et s’il veut être le second parlement allemand et se rattacher au parlement de Francfort, il a une cause décisive de mourir. Tout cela explique sa