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commerce et des manufactures, c’est-à-dire par les représentans de la France active et laborieuse : « C’est aux grands pouvoirs de l’état qu’il appartient d’aviser sans retard aux moyens qui peuvent garantir au pays, par la puissance des institutions et l’autorité de la loi, l’ordre et la sécurité, sans lesquels il n’y a pas de prospérité possible. » Voilà un vœu vraiment éclairé et libéral, digne d’un grand conseil de gouvernement, et que nous aimons à mettre en lumière, ne fût-ce que pour rejeter d’autant plus à notre aise dans l’ombre et dans l’oubli le vœu que le même conseil a cru devoir exprimer contre la liberté des chaires d’économie politique. La puissance des institutions et l’autorité des lois ne sont pas intéressées, selon nous, dans les questions de douane.

Passons maintenant des affaires du dedans aux affaires du dehors.

Nous ne nous sommes point trompés sur l’avenir du parlement d’Erfurth, et c’est avec bien du regret que nous constatons que nos prévisions se sont accomplies. Nous n’avons jamais espéré que ce parlement pût vivre, et surtout pût représenter l’unité de l’Allemagne. Nous aurions voulu être moins bons prophètes. Il nous en coûte à nous, vieux amis de l’Allemagne et vieux partisans des vœux qu’elle a faits pendant plus de trente ans pour arriver à l’unité, il nous en coûte d’être forcés de reconnaître que ses vœux sont trompés, et surtout il nous en coûte d’avouer que c’est par sa faute que l’Allemagne n’est pas arrivée à l’unité qu’elle souhaitait. Elle a consulté son imagination plus que le bon sens, elle a exagéré son désir, elle a voulu l’unité politique au lieu de chercher l’unité du droit civil et du droit commercial, elle a voulu être un état au lieu d’être une fédération, elle en a appelé du passé à l’avenir ; or ces appels-là ne réussissent jamais. Toute l’histoire de l’Allemagne témoigne de son penchant au fédéralisme, c’est-à-dire à l’association et à la parenté plutôt qu’à l’unité, de même que toute l’histoire de la France témoigne de son penchant à l’unité. N’essayez pas de contrarier ces penchans originels. Tout ce qui en France cherchera à détruire complètement la centralisation échouera, tout ce qui en Allemagne cherchera à créer l’unité complète et absolue échouera également. Ce seront des tentatives impuissantes et qui fatigueront la société, mais qui ne changeront pas son allure.

Comme si c’était peu d’avoir rêvé plus d’unité que ses mœurs n’en comportaient, l’Allemagne s’est confiée, pour accomplir ses rêves, au savoir-faire de la démagogie. C’est là ce qui a tout perdu. La démagogie gâte les bonnes causes : qu’est-ce donc des douteuses ? L’unité de l’Allemagne, telle qu’on la rêvait, était une impossibilité. Associée à la démagogie, c’était une monstruosité.

Nous indiquons ici les causes générales qui ont fait échouer l’unité de l’Allemagne. Indiquons rapidement les causes particulières qui ont fait échouer le parlement d’Erfurth, ce faible et dernier représentant de l’unité de l’Allemagne.

Le parlement d’Erfurth avait un malheur originel dont il n’a jamais pu se racheter. Il était trop prussien pour être allemand ; il était trop allemand pour être prussien. Il était trop prussien, parce que né du traité fait, il y a un an, entre la Prusse, la Saxe et le Hanovre contre la démagogie de Francfort, il semblait cependant avoir pour but de réaliser une petite Allemagne ou une grande Prusse (nous nous servons des mots d’outre-Rhin) plutôt que de représenter