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France même, cette institution a rendu de grands services ; mais, avec notre régime électif et délibératif, avec la mobilité excessive de notre nation, elle a le grand défaut d’être impraticable. Depuis que le gouvernement représentatif s’est développé en France, le conseil supérieur du commerce ne fonctionne plus de fait. Aujourd’hui son existence devient encore plus impossible en présence d’une représentation particulière des intérêts matériels aussi nombreuse que le conseil général. C’est précisément, dit-on, cette mobilité française qui rend un pareil conseil nécessaire pour conserver l’unité de direction. Sans doute, si la chose était possible, mais elle ne l’est pas. C’est précisément, dirons-nous à notre tour, l’unité de direction, la tradition, la permanence, que nous ne pouvons pas supporter, dès qu’elle blesse en quoi que ce soit nos idées du moment. Si le conseil supérieur voulait faire quelque chose, il serait bientôt en lutte ouverte contre tout le monde, et il faudrait le détruire ; mieux vaut cent fois ne pas l’établir.

Les derniers momens du conseil général ont été remplis par une délibération devenue nécessaire. Tout le monde sentait que le travail de cette session avait dû s’accomplir au milieu des circonstances les plus défavorables ; quand le conseil s’est réuni, tous les esprits étaient préoccupés des préparatifs de l’élection de Paris, et les conséquences de cette élection, qui a eu lieu dans le cours même de la session, avaient pesé non moins tristement sur les dernières séances. En agitant ces questions spéciales, qui seraient les plus importantes pour le pays dans un temps régulier, mais qui ne sont plus aujourd’hui que secondaires en présence des formidables problèmes remués ailleurs, aucun membre du conseil ne pouvait se dissimuler que les solutions les plus sages, les plus raisonnées, auraient en réalité bien peu d’effet sur la prospérité publique. La France ne souffre pas aujourd’hui d’un mal que de bonnes lois sur le régime économique des industries puissent guérir ; les conséquences des meilleures lois de ce genre sont paralysées par le poison qui s’infiltre dans les veines de la société et y glace le mouvement de la vie. Aussi le conseil général n’a-t-il pas voulu se séparer sans manifester lui-même ce qu’il pensait de l’impuissance de ses délibérations en présence d’un mal plus fort que lui. Sur le rapport de M. Barbet, ancien pair, il a voté à l’unanimité une déclaration portant en substance que la sécurité dans le présent et la confiance dans l’avenir étaient les conditions premières des affaires, et que là où ces conditions manquaient, tout autre effort était inefficace.

On peut varier sur les moyens de rétablir en France la confiance et la sécurité, et cette divergence dans les opinions est précisément ce qui perpétue notre situation actuelle ; mais certes, si le remède est douteux, la maladie ne l’est pas. En s’abstenant de le signaler, le conseil