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la tendance contraire. C’est là, au milieu de tant de préoccupations douloureuses, un des symptômes les plus consolans et les plus rassurans de notre temps. Pendant qu’une partie des ouvriers, égarés par des illusions funestes, travaillent aveuglément à leur propre misère, voilà une réunion de représentans de la propriété et du capital dont les votes passeront aux yeux de bien des gens pour entachés de socialisme. Il est impossible qu’un pareil spectacle ne porte pas un jour ou l’autre de bons fruits.

Un même esprit de sage libéralisme a présidé aux délibérations du conseil général sur la seconde catégorie de questions qu’il a eu à discuter. Nous voulons parler de ce qui se rattache à notre régime douanier. Il semblait au premier abord qu’une assemblée toute composée, de producteurs se montrerait uniquement préoccupée des intérêts de la production et ne tiendrait aucun compte des besoins de la consommation. Il en a été tout autrement. Ce résultat singulier et inattendu a été la principale conséquence de la fusion des trois comités. Chaque comité, pris à part, s’est montré en général assez exclusif, assez intolérant sur ce qui lui semblait une atteinte à son industrie particulière ; mais il n’en était pas de même dans les comités réunis : là en effet, tous les intérêts étant représentés à la fois, les membres de deux comités formaient, dans chaque question spéciale, la masse des consommateurs en présence du comité intéressé, et il en est résulté que les intérêts généraux, les grands intérêts du pays, l’ont emporté en toute occasion sur les intérêts particuliers.

Il est vrai que les trois comités se sont toujours montrés d’accord sur un point, la haine de l’économie politique considérée comme science. Un vœu formel a été exprimé à ce sujet à la suite de débats violons et personnels qui ont offert un contraste pénible avec l’attitude générale du conseil. L’économie politique est en effet l’ennemi commun qui défend chacune des trois branches du travail national contre les prétentions exclusives des deux autres ; mais, si le conseil général a repoussé le nom de l’économie politique, il a fait mieux, il a admis la chose : le nom n’y fait rien. Il n’y a que bien peu de ses votes qui n’aient pas été conformes aux doctrines décorées jusqu’ici à tort ou à raison du titre d’économie politique, et il était difficile qu’il en fût autrement dès l’instant que les représentans de toutes les industries délibéraient en commun et en assez grand nombre pour rendre les coalitions à peu près impossibles. Quelle est la prétention de l’économie politique ? Précisément de s’élever à un point de vue général qui domine tous les points de vue particuliers, de coordonner, de comparer les intérêts divers dont l’ensemble forme l’intérêt public, de dégager par la comparaison la résultante de ces forces divergentes en apparence, la moyenne de ces intérêts, et de trouver ainsi la formule qui, par la