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de l’organisation nouvelle, car c’était la principale innovation. Nous pouvons affirmer aujourd’hui que l’innovation a réussi. L’esprit de division et d’isolement s’est montré, mais il ne l’a pas emporté. Le vote par tête, pour parler d’après d’anciens souvenirs qui ont été rappelés à cette occasion, a été heureusement substitué au vote par ordre. Seulement, par cette transaction, qui a permis de tout concilier, la distinction des ordres a été conservée pour la préparation des discussions générales, et, si une transaction du même genre avait été adoptée en 1789, peut-être aurions-nous moins à regretter dans les votes de l’assemblée constituante. Ce n’est qu’avec le temps que les hommes s’habituent à la loi des transactions, qui est à elle seule presque toute la sagesse humaine ; les prétentions absolues et exclusives sont toujours les premières qui se présentent, et elles ne cèdent qu’à l’expérience. Le même esprit de conciliation et de sage tempérament a présidé par la suite à toutes les délibérations du conseil, et leur a donné ce caractère essentiellement pratique qu’on était en droit d’attendre d’une réunion d’hommes habitués aux affaires. On peut dire que le vote qui a consacré, sur la proposition du gouvernement, l’unité du conseil a été comme le préambule de la session tout entière ; le reste était en quelque sorte contenu d’avance dans cette première décision.

Ces préliminaires accomplis, le conseil a commencé ses travaux. Nous avons le regret d’avoir à dire ici que plusieurs jours ont été perdus avant que la marche des délibérations fût parfaitement organisée. Le décret de convocation avait fixé à un mois, du 6 avril au 6 mai, la durée de la session, et il importe en effet de ne pas excéder à l’avenir cette limite. La plupart des membres sont forcés de quitter leurs affaires, de se rendre à Paris de départemens plus ou moins éloignés, et de ce seul fait qu’ils sont agriculteurs, manufacturiers ou commerçans, il résulte évidemment qu’ils n’ont pas beaucoup de temps à perdre. On a été cependant obligé cette année de prolonger la session d’une semaine ; encore les derniers jours ont-ils été chargés de délibérations précipitées, et un assez grand nombre de questions sont-elles restées à l’état de rapport, tandis que les quinze premiers jours de la session avaient été à peu près inoccupés. Cette vicieuse distribution du travail a eu deux causes : premièrement, la trop grande quantité de questions soumises aux délibérations du conseil ; secondement, le retard qu’on a mis à le saisir des plus importantes. Dès le premier jour, toutes les affaires auraient dû être déposées sur le bureau ; la délibération dans les comités aurait pu commencer immédiatement ; les premières commissions auraient plus tôt achevé leur travail, et les discussions générales auraient eu le temps de se développer un peu plus, tandis que tout est arrivé à la fois dans les derniers momens. C’est un inconvénient qu’il sera facile d’éviter lors d’une nouvelle session.