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prélève d’abord le droit de 20 pour 100 et paie ensuite aux propriétaires du minerai la valeur des produits qui en ont été extraits, valeur fixée d’avance : c’est ainsi que le cuivre est payé à raison de 5 piastres le batman (environ 22 sous les 28 kilog.), l’argent à raison de 32 paras le drème (environ 2 sous les 3 grammes), le plomb à raison de 31 paras l’ok. Malgré le mode barbare d’exploitation usité en Asie Mineure, le gouvernement turc parvient cependant à obtenir des mines de ce pays un revenu net assez considérable. Des recherches assidues et persévérantes m’ont mis à même de percer à cet égard le voile qui dérobe aux yeux des voyageurs européens tout ce qui a rapport à l’état des finances de la Turquie. En comparant tous les renseignemens que j’ai été à même de recueillir sur les lieux, j’ai réussi à découvrir le chiffre réel du bénéfice net qui, déduction faite de tous les frais et dépenses, est réalisé par le gouvernement turc sur les mines de l’Asie Mineure ; ce chiffre est d’environ 2,500,000 francs, et, comme le montant annuel de la recette brute est estimé à environ 4,000,000 de francs, le gouvernement recueille, on le voit, un bénéfice de plus de 50 pour 100. Ce fait est très remarquable, car il prouve d’une manière péremptoire tout à la fois l’extrême richesse des mines de l’Asie Mineure et la facilité qu’il y aurait d’en augmenter considérablement la valeur productive, si, en Turquie, les Européens pouvaient prendre part à l’exploitation des gîtes métallifères. Or, l’époque où cette participation sera possible n’est certainement pas éloignée. Il y a déjà quelques mois que la question de la liberté d’exploitation se débat dans le sein du conseil des mines de l’empire turc.

Dès ce moment, on se relâche beaucoup vis-à-vis des étrangers de l’ancien système d’exclusion. On leur accorde assez aisément le droit de propriété territoriale, surtout à Constantinople, ce qui, il y a quelques années seulement, eût été considéré comme une infraction flagrante aux lois du Koran. Aussitôt que les dernières barrières qui écartent les étrangers de la Turquie seront tombées, aussitôt que l’Europe sera parvenue à se rendre compte de l’immense produit que pourraient fournir les mines turques exploitées selon les principes de la science, une nouvelle ère industrielle commencera pour l’Asie Mineure. L’affermage des mines de cette péninsule pourrait devenir, entre les mains des capitalistes européens, l’objet d’une magnifique spéculation. Le gouvernement turc hésiterait d’autant moins à l’encourager, qu’il fait de presque toutes les branches des revenus publics un objet de concession, et si un capitaliste quelconque, lui demandant la concession des mines de l’Asie Mineure, s’engageait à lui payer une rente annuelle supérieure au chiffre du revenu actuel, le divan s’empresserait certainement de souscrire à de telles conditions, car il sait que le mode actuel d’exploitation ne lui permet guère