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dans une seule localité, l’île de Naxos, car l’émeri d’Ochsenkopf, en Saxe, ne se présente qu’en petites quantités ; aussi, le prix de l’émeri est-il très élevé. En 1826, la tonne d’émeri (1,000 kil.) valait 125 francs ; mais, depuis l’année 1834, où le gouvernement hellène afferma la mine de Naxos, le prix a haussé jusqu’à 500 et même 700 francs la tonne les concessionnaires de la mine ne fournissaient à dessein qu’une quantité très restreinte d’émeri, afin de soutenir les prix à la même hauteur, et le contingent de Naxos se réduisait ainsi à 1,200 ton., tandis que la mine, qui est fort riche, eût pu en donner le triple. Depuis quelques mois, le gouvernement hellène a cédé le monopole à de nouveaux entrepreneurs. En attendant, il se prépare, en Asie Mineure, une redoutable concurrence à l’exploitation des mines de Naxos ; déjà, en 1846, on m’avait montré, à Smyrne, quelques morceaux de minerai trouvés à Samos et près d’Ainé-Bazar, minerai que je reconnus pour de l’émeri ; depuis, mon attention s’est portée particulièrement sur ce précieux minéral, et j’ai eu la satisfaction d’en découvrir un gisement de près de deux kilomètres de long dans le sandjak (province) de Moula ; j’ai la certitude que toutes les montagnes voisines contiennent de l’émeri, et je ne doute pas que l’Asie Mineure ne compte d’ici à peu d’années une nouvelle source de richesses[1].

À propos des mines d’Argana-Madène, j’ai déjà signalé quelques-uns des inconvéniens du régime administratif auquel le travail des mines est soumis en Turquie. La question soulevée par ces inconvéniens est trop grave pour que je n’y revienne pas. Tous les sujets ottomans, sans différence de religion ni de races, sont libres d’exploiter des mines ; mais la loi refuse formellement ce droit aux étrangers. Tout individu qui découvre un gîte métallifère, et qui veut s’en assurer l’exploitation, est tenu d’en demander la concession au gouvernement, qui la lui accorde à un terme dont le minimum est de dix et le maximum de vingt années. Après l’expiration de ce terme, l’exploitant qui désire continuer ses travaux doit demander le renouvellement de sa concession, et le gouvernement répond à cette demande, s’il le juge à propos, par l’octroi d’un nouveau firman. Les concessions imposent l’obligation : 1° de payer au gouvernement 20 pour 100 des produits de la mine exploitée ; 2° de verser entre les mains des autorités instituées à cet effet le montant du minerai obtenu, car la fonte de ce dernier est sévèrement interdite aux particuliers ; — le gouvernement seul a le droit de faire les opérations métallurgiques, dont il supporte aussi tous les frais. Après l’élaboration des métaux, le gouvernement

  1. Voyez sur ce sujet, dans les Comptes rendus des séances de l’Académie des Sciences, année 1848, n° 735, page 105, un travail publié sous ce titre : Lettre de M. de Tchihatchef à M. Élie de Beaumont sur le gisement de l’émeri en Asie Mineure. Constantinople, 1848.