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par le clergé, mirent la république naissante à deux doigts de sa ruine les frontières étaient forcées, les armées françaises se débandaient devant l’ennemi, et les campagnes de l’ouest saluaient l’invasion d’un cri d’espérance. Que faire, si l’on ne noyait dans un fleuve de sang les germes de résistance, et si l’on n’assurait le pouvoir, par un acte décisif, aux hommes résolus à tout ? Danton osa embrasser dans toute sa profondeur cette effroyable pensée, et il fit des cadavres de septembre un rempart contre l’ennemi. L’épouvante jette alors aux frontières la nation presque entière, et la terreur peuple les camps. Après avoir à jamais compromis Paris dans la cause de la révolution par l’immensité même de l’attentat qu’il a laissé commettre sans résistance, il faut compromettre d’une manière non moins décisive, et par une mesure irréparable, la convention, qui commence sa carrière avec des hésitations manifestes et de sensibles oscillations. Le procès de Louis XVI est exigé par les clubs, appuyés sur les hommes de septembre ; on fait tomber la tête du roi pour sauver la sienne, et le sacrifice du 21 janvier devient pour quiconque y a trempé un irrévocable engagement. Cependant la guerre se poursuit avec des alternatives diverses ; la Vendée livre ses gigantesques combats, la bourgeoisie retrouve quelque courage dans l’excès de ses maux, le midi s’arme, les départemens poussent contre Paris une clameur de délivrance. Dans cette situation sans exemple, la cause de la révolution n’était-elle pas perdue, l’invasion étrangère inévitable, la restauration par les armes de l’émigration certaine, si le 31 mai n’avait décapité le fédéralisme, si une dictature armée du glaive n’avait donné au pouvoir, à la nation et aux armées une unité d’action et un mépris de la vie dont aucun temps n’avait offert ni ne reproduira l’exemple ? En face de toutes les puissances de la terre et du ciel conjurées, la révolution se fait homme ; l’ardente foi et l’inflexible pensée de Maximilien Robespierre soutiennent, inspirent, échauffent et dirigent le comité terrible aux mains duquel abdique pour quelque temps la convention elle-même, et peu de mois d’une sanglante dictature suffisent à sauver la France. »

Telle est l’étrange série de déductions auxquelles on a rattaché l’apologie d’un régime qui serait devenu légitime, parce qu’il aurait été nécessaire ; telle est la déplorable doctrine qui a faussé le sens moral du pays, et par laquelle on voudrait détourner de têtes criminelles les anathèmes de l’histoire. Mais cette prétendue démonstration ne résiste pas plus à l’étude des faits qu’au témoignage instinctif de la conscience, et tout cet échafaudage logique manque par sa base. Ce système aurait quelque valeur en effet, si ces attentats, qu’on prend soin de lier les uns aux autres comme les anneaux d’une chaîne d’airain, n’avaient été la conséquence de difficultés élevées par soi-même, de fautes qu’une politique plus habile ou seulement plus honnête aurait fait éviter, et