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des recherches, qui tendait à imposer des entraves au droit naturel qu’ont tous les citoyens d’un pays libre de se déplacer à volonté. Évoquant le respect dû aux principes consacrés par la constitution, Mirabeau avait obtenu que la lecture de ce projet fût refusée tout d’une voix, et ce triomphe est l’un des plus éclatans qu’ait remportés sa puissante parole ; mais, lorsque, vers la fin de sa carrière, l’assemblée se trouva face à face avec les périls engendrés par ses propres fautes, elle cessa de professer pour la liberté et pour le droit ce culte et ces scrupules qui avaient imprimé à ses premiers travaux une si haute autorité. Avant de quitter le pouvoir, la constituante avait déjà soumis à des mesures exceptionnelles tout ce qui concernait l’expatriation et la résidence à l’étranger. Le droit de libre locomotion fut supprimé, comme l’avait été la liberté de conscience, et la législative essaya d’arrêter le flot de l’émigration par des mesures semblables à celles qu’elle décrétait pour arrêter la désertion des temples profanés. À la sommation de rentrer succéda le séquestre des revenus : bientôt toutes les propriétés des émigrés furent déclarées nationales, et la révolution, en bouleversant le sol, y déposa les germes qui lèvent et grandissent aujourd’hui sous nos yeux ; enfin la peine de mort fut prononcée contre vingt mille Français qui, sans aimer la révolution, ne l’avaient point combattue jusqu’alors, et qu’on avait transformés à plaisir d’adversaires impuissans en ennemis implacables.

Engagée dans cette route, la révolution française changea d’esprit, et dut faire appel à d’autres instrumens. Ce ne fut plus un droit nouveau triomphant d’un droit vieilli, une forme politique se superposant à une autre : ce fut l’ouverture d’un duel gigantesque entre la conscience et la force, entre la liberté de l’homme entravée dans toutes ses manifestations et le despotisme de l’état étendant chaque jour la sphère de ses exigences. La promulgation de la constitution civile du clergé ; l’émission des décrets rendus contre les émigrés, faisaient passer la révolution de l’école américaine à l’école jacobine, des mains de M. de Lafayette dans celles de Robespierre. Le 10 août était la conséquence nécessaire du triomphe de la démocratie républicaine préparé par les passions du parti constitutionnel, et la terreur allait sortir de la victoire d’une minorité audacieuse sur une majorité imprévoyante.

Alors commencèrent à s’enchaîner les unes aux autres ces inexorables nécessités dont on a eu la pensée de faire jaillir je ne sais quelle sophistique justification de toutes les violences et de tous les crimes qui ont marqué le cours de ces années funèbres. « La chute de la royauté constitutionnelle dut sortir, a-t-on dit, de la situation fausse prise par le roi en face de la constitution, et du peu de confiance que ses sentimens secrets inspiraient au pays à la veille de la guerre étrangère. Bientôt après, l’invasion fomentée par l’émigration, la guerre civile attisée