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conçu pour contrarier, par des moyens extra-parlementaires, l’œuvre de la constitution. Ceci est rigoureusement vrai tant en ce qui concerne le roi lui-même qu’en ce qui se rapporte aux anciens ordres privilégiés. Les premières résistances graves aux décrets constitutionnels furent suscitées dans la conscience de Louis XVI et dans la minorité de l’assemblée par la nouvelle organisation donnée à l’église et par la prestation du serment imposé aux membres ecclésiastiques de la constituante dans la mémorable séance du 4 janvier 1791. Jusqu’alors, le roi avait très rarement refusé ou fait attendre sa sanction constitutionnelle. De son côté, la minorité avait livré à la tribune des luttes éclatantes et passionnées ; mais ni chez le monarque ni dans aucune fraction du parti monarchique n’était encore entrée la pensée de résister à la révolution par d’autres voies que celles qu’elle-même avait ouvertes.

Cependant la constituante persévéra, après la révolution du14 juillet, dans l’attitude de défiance et d’hostilité que les circonstances expliquaient avant cette époque et qu’elles avaient cessé de justifier. On peut même dire qu’elle redoubla d’exigence envers le trône et de complaisance envers la rue au moment où la plus simple prévoyance commandait de changer de direction et d’attitude. Maîtresse désormais d’un terrain que nul n’était plus en mesure de lui disputer, elle continua contre l’ombre de l’ancien régime le combat qu’elle avait livré à ce régime lui-même, lorsqu’il paraissait disposer de forces imposantes. En vain le roi avait-il accepté le rôle secondaire que lui traçaient les décrets constitutionnels ; en vain la noblesse était-elle venue, au 4 août, offrir spontanément en sacrifice à l’union et à la paix ses dernières prérogatives et une notable portion de sa fortune ; en vain le clergé, devançant toutes les mesures spoliatrices, avait-il accepté la suppression des dîmes et offert de concourir par un emprunt hypothéqué sur tous ses biens à l’extinction de la dette publique ; en vain les membres des cours souveraines, mandés à la barre de l’assemblée, étaient-ils venus y déposer l’hommage de leur soumission aux décrets qui consommaient leur ruine : aucun de ces sacrifices, aucune de ces immolations ne calmait l’irritation jalouse que persistait à entretenir l’ancien tiers-état, incapable de sacrifier à la grandeur nouvelle de ses destinées le souvenir de ses vieux griefs.

Si l’établissement constitutionnel était alors menacé, ce n’était pas assurément par la cour. Ce n’était plus la cour qui soulevait Paris aux 5 et 6 octobre et lançait sur Versailles des légions de harpies et d’assassins ; ce n’était pas la cour qui, à la suite d’une nuit d’horreurs, traînait le roi et l’assemblée au sein d’une capitale ameutée, où la constituante allait, durant le reste de sa carrière, trouver des périls mille fois plus redoutables que ceux dont avaient pu la menacer un jour les dragons du prince de Lambesc et les soldats de Royal-Allemand.