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plus qu’un Louis XIV ! — Mais le président, c’est nous-mêmes. -Vous acceptez donc ses fautes, même la guerre du Mexique ? — La guerre du Mexique, nous l’avons exigée ; c’est de la gloire et du pouvoir. — Cependant cette guerre du Mexique est un acte arbitraire, condamnable à tous égards. — Que voulez-vous ? Pas une voix du parti ne s’est élevée contre une expédition qui plaisait au peuple et flattait son désir d’agrandissement. Quiconque eût osé proférer un mot de reproche ou de critique non contre les hommes, mais contre l’expédition, eût été dénoncé à la colère publique. — Que pensaient de cette guerre les Webster et les Calhoun ? — Ils se seraient bien gardés de le dire. Chacun de ces personnages importans est environné d’une foule de rivaux prêts à saisir au vol les moindres paroles blessantes pour la majorité du parti, à s’en faire une arme et à détruire une influence qui les gêne. »

Voilà les mauvais côtés et les périlleux résultats de ces traditions anglaises. Chacun des petits groupes concentriques de l’Union exerce sur ses membres une pression tellement vive, que dans un pays où la liberté est sans bornes l’originalité est difficile. Quelques esprits rebelles tentent, comme le romancier Fenimore Cooper, de se soustraire à l’opinion de leur groupe ; on les met au ban. De là un effacement intellectuel des individualités subjuguées, situation anti-littéraire, détestable pour les arts et l’exercice de la pensée, excellente pour continuer le grand combat contre la nature ; de là aussi la difficulté, pour les capacités supérieures, d’atteindre non pas les positions secondaires, mais les plus élevées. La foule des petits esprits et des gens envieux se coalise souvent pour élire des médiocrités ; à cela sont dus les présidens par compromis. On cite, nous ne savons avec quel degré de justice. M. Polk pour les démocrates et le général Harrisson pour les whigs. Il y a encore d’autres motifs pour nommer les insignifians. Tel homme politique supérieur, tout en restant fidèle comme il le doit à la marche générale et aux grands intérêts du parti, n’a pas manqué d’user de son droit relativement à mille questions subsidiaires et accessoires dans lesquelles les intérêts fractionnaires des états et des provinces sont engagés. Il a blessé non son parti lui-même, mais certaines sections du parti, peut-être de la province. Il a dû lui arriver de déplaire à tel ou tel, et, s’il a beaucoup de talent ou d’activité, de déplaire à presque tout le monde. Aussi chaque parti semble-t-il choisir avec une préférence marquée les candidats à la présidence qui leur sont recommandés non par leurs qualités brillantes, mais par des qualités négatives. Ceux-là n’ont heurté ni les partisans de l’esclavage, ni les abolitionistes, ni les fédéralistes. ni les nullificateurs ; enfin, dans les nombreux sujets de dissentiment qui opposent le midi au nord, l’est à l’ouest, le capital au travail, la vallée du Mississipi à celle de l’Ohio, la Nouvelle-Orléans au Texas, ils sont restés purs de toute offense et de toute opinion tranchée.