sincèrement, moitié par une tactique qu’il croit bien profonde et qui n’est que stupide, radical avec un petit bout de cocarde blanche gauchement cousu à son bonnet phrygien. ».L’écrivain de Beauséant est, comme on le voit, un irréconciliable adversaire de tout ce qui ressemble au libéralisme. Il le hait partout ; mais à Rome il lui semble à la fois détestable et grotesque. Comment donc et de quels côtés pourrons-nous nous entendre avec lui ? En France, en Piémont, en Allemagne, en Amérique même, cela nous serait impossible. À Rome, cela se peut plus aisément. Voici pourquoi. À Rome, nous devons être libéraux dans l’administration ; nous ne devons pas l’être dans le gouvernement. Non, la liberté de la presse, la liberté de la tribune, la liberté de réunion à Rome, ne sont pas de mise ; à Rome, toutes ces libertés veulent dire qu’on pourra discuter la divinité de Jésus-Christ, ce qui est impossible, car à Rome discuter la divinité de Jésus-Christ, c’est discuter la papauté elle-même. La liberté est donc incompatible avec la papauté, nous ne craignons pas de le reconnaître ; mais la liberté dans le gouvernement et le libéralisme dans l’administration sont choses fort différentes. Aussi nous ne demandons pas qu’à Rome il y ait une tribune et une presse libérale à côté de la chaire de saint Pierre ; nous demandons seulement que l’administration soit libérale.
Nous sommes persuadés que, sur l’administration, nous pouvons nous entendre avec l’auteur des Lettres de Beauséant. Quant aux conditions nouvelles que les événemens ont faites au pouvoir temporel du pape, nous trouvons le spirituel écrivain un peu trop novateur, même pour nous, et cela prouve bien que nous ne sommes en général rétrogrades qu’à l’égard des nouveautés que nous n’aimons pas. Ainsi, les Lettres de Beauséant proposent d’ôter au pape les Légations. Et pourquoi ? Parce que c’est surtout dans les Légations que la question de l’administration des laïques est de mise. Les Légations veulent être gouvernées par des laïques, et les Lettres de Beauséant, à cette cause, donnent les Légations à l’Autriche. Elles rétrécissent le patrimoine de saint Pierre pour le consolider. C’est une théorie qui irait bientôt à ne laisser que Rome à la papauté. Je me défie aussi quelque peu d’une autre utopie de l’auteur, le rétablissement de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem comme milice du saint-siège. Si le nouvel ordre de Saint-Jean ressemblait quelque peu à l’ancien, il ne pourrait être que l’état-major de la milice papale. Or, il faut aussi avoir des soldats. Nous ne commençons à nous rapprocher de l’auteur de ces lettres que lorsqu’il montre qu’un des effets de notre expédition en Italie doit être de restituer à la papauté le caractère cosmopolite ou plutôt catholique qu’elle a toujours eu, mais qui paraissait s’être un peu effacé depuis que la papauté, il y a déjà près de trois cents ans, semblait s’être faite exclusivement italienne. La papauté appartient au monde catholique et non pas seulement à l’Italie. C’est à ce titre qu’elle a été restaurée par les armes réunies de l’Europe catholique, et surtout par les armes de la France, dont le soin du cosmopolitisme semble être une des vocations. Non, il n’est pas nécessaire que le pape soit toujours Italien ; non, il n’est pas nécessaire que les cardinaux soient en très grand nombre Italiens, et la papauté, comme pouvoir temporel, doit prendre une force nouvelle dans son rapprochement avec l’Europe, et une force d’autant plus grande qu’elle est analogue à son pouvoir spirituel. Comme pape, en effet, le pouvoir du pape s’étend sur tous ; comme prince, il est donc naturel qu’il