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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 avril 1850.

Quelle catastrophe que celle d’Angers ! quelle scène épouvantable ! mais aussi quels actes de dévouement et de générosité ! Des soldats, des officiers à peine sauvés de la mort qui se rejettent dans le gouffre pour sauver quelques-uns de leurs camarades. Entre toutes les classes de la population française, l’armée est assurément une de celles qui méritent le plus d’être heureuses et sauves. Elle est la force, la sécurité, l’honneur de la France. Par quel triste arrêt du sort a-t-elle été si cruellement frappée ? Trois cents hommes qui disparaissent dans le gouffre, trois cents hommes ! plus qu’il n’en a péri au siège de Rome par le fer de l’ennemi ! Le président de la république s’est empressé de courir à Angers, et nous aimons cet élan du cœur qui a poussé le chef de l’état à s’associer à la douleur publique, et à porter des consolations aux survivans de cet affreux désastre. C’est par de pareils actes, nous nous en souvenons, que les jeunes princes de l’ancienne famille royale s’étaient fait chérir parmi nous. À quoi cela leur a-t-il servi, dira-t-on, et à quoi cela servira-t-il au président de la république d’avoir le cœur généreux et compatissant ? Ah ! si on ne veut faire le bien que pour en recueillir le profit, si la bonté d’ame est un calcul, ne vivez pas de nos jours, vous tous qui faites ces tristes spéculations ! Non pas que notre temps soit trop vertueux pour des ames de ce genre ; mais l’ingratitude trompe et déconcerte aujourd’hui jusqu’au charlatanisme lui-même. Il n’y a plus de dupes à espérer pour les faux bienfaiteurs ; il n’y a plus de reconnaissance non plus pour les vrais bienfaiteurs : d’où il résulte que de nos jours il n’y a plus, pour faire le bien, d’autre motif que le bien même, et tant mieux ! Et voilà pourquoi nous félicitons le président de sa visite à Angers. Il l’a faite d’inspiration et spontanément, sachant qu’il n’avait rien à en