Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/547

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’elles-mêmes. Le slavisme a du moins le mérite de former un ensemble dont toutes les parties sont étroitement liées par un enchaînement logique.

En définitive, nous n’ignorons pas qu’à la première vue les Slaves semblent marcher de très près sur les traces de Joseph de Maistre ; mais, en fait, ils s’en écartent singulièrement dès le point de départ, puisqu’ils distinguent le christianisme de la théologie. Et d’autre côté, s’ils s’inspirent de l’histoire, ce n’est pas qu’ils veuillent en revenir à la pensée ni aux formules du moyen-âge, car ils repoussent la féodalité et posent en principe l’égalité des familles et des races. Ils ne donnent pas davantage dans l’excès contraire ; ils croient à la vertu de l’humaine intelligence sans lui prêcher l’orgueil et la révolte, et c’est sans exalter le rationalisme qu’ils font une si large place à la raison spontanée. S’ils déplorent l’engourdissement fâcheux dans lequel le christianisme est tombé, ils admettent et ils désirent qu’il en puisse sortir par un effort du génie rajeuni de l’église. Ils aspirent après une certaine forme de démocratie ; mais ils déclarent en même temps que le gouvernement de cette démocratie appartient de droit aux supériorités naturelles qui s’élèvent du sein de la société. En politique comme dans l’art et dans la religion, les Slaves visent ainsi à combiner la raison réfléchie avec la raison spontanée, le sentiment avec la science, et s’ils parlent très haut de l’impuissance du rationalisme, qui peut s’en étonner aujourd’hui ? En résumé, ils ne veulent que détourner la raison des régions de l’abstrait et de l’absolu pour la ramener à l’observation et au respect de la nature.

C’est ainsi que les slavistes se posent en présence du panslavisme officiel. Pour le combattre, ils se gardent bien d’avoir recours aux théories de l’occident ; ils empruntent à l’histoire slave leurs principaux argumens. Nourris dans l’étude des sentimens simples et primitifs, ils s’élèvent au-dessus de la portée philosophique du czarisme, sans cesser d’être en rapport direct avec la vie intime et les idées des masses. Par les efforts qu’il fait pour saisir la direction de ce mouvement et l’entraîner dans son orbite, le panslavisme révèle lui-même aux slavistes libéraux leur importance et leur force. Il leur oppose des théories de gouvernement dont on ne peut méconnaître la valeur. Les slavistes répondent par d’autres théories plus naturelles, plus nationales, plus profondes. Le slavisme et le panslavisme ne sont donc pas de vaines fantaisies de philosophes en quête d’un système. Toute la puissance et toute l’ambition du gouvernement russe se cachent sous l’un de ces mots ; tous les souvenirs, toutes les craintes, toutes les espérances des peuples slaves, illyriens, tchèques ou russes, se résument et se concentrent dans la doctrine des Slaves libéraux. La révolution dernière, en provoquant la guerre de Hongrie et cette horrible mêlée