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de famille, s’assemblent autour du souverain en congrès général, et c’est d’accord avec ce congrès que le prince fait les lois et gouverne. De même que le prince a une grande part dans la confection des lois, le congrès, en revanche, ne laisse pas d’avoir une influence considérable dans l’exercice du pouvoir exécutif. En effet, le prince choisit dans le sein de cette assemblée, non-seulement des ministres, mais encore un sénat ou conseil d’état en présence duquel toutes les mesures administratives et politiques sont discutées préalablement. Ce sénat est un conseil permanent qui limite en l’éclairant la volonté du prince. L’assemblée générale contrôle et révise, consacre ou rejette les mesures que le prince a prises d’accord avec son conseil d’état. Les slavistes modernes s’écartent beaucoup en ce point de l’ancienne constitution de Pologne ; ils ne veulent pas d’assemblées oligarchiques, et surtout ils n’accordent à ces assemblées aucun de ces privilèges qui pourraient rappeler le fatal droit du liberum veto. La représentation du pays, telle qu’ils la conçoivent et telle qu’elle existe en partie’ chez les Serbes turcs, est tout aussi démocratique dans son principe que les assemblées représentatives dans les pays de l’Occident ; elle n’en a pas cependant l’autorité despotique et l’initiative. De son côté, le souverain, quoique doté en apparence d’un pouvoir presque absolu, ne peut rien en réalité sans l’avis et le concours de ce conseil d’état, qui sert comme le lien entre l’assemblée générale et le magistrat suprême.

Si donc la cité slave se constitue un jour, ce sera sur ce triple principe de la famille, de la commune et de la race. Telle sera du moins la forme de la société, et, quant à la forme des pouvoirs, elle sera combinée de manière à laisser au chef élu de l’état une autorité très étendue, sans l’affranchir d’un contrôle scrupuleux. On lui donne beaucoup de puissance parce que, l’ayant choisi, on lui suppose une grande supériorité d’esprit et de caractère ; mais plus on lui accorde de confiance, plus il a nécessairement de responsabilité, plus est sévère le compte qu’il doit de ses actes au pays. Il possède le droit d’initiative, mais il ne l’exerce qu’à ses risques et périls sous une surveillance rigoureuse. Privés de ces abstractions pompeuses que les théoriciens de l’Occident ont inventées pour masquer le vide de leurs systèmes, les Slaves s’attachent donc à suivre dans leur législation politique comme dans la religion et dans l’art les indications vraiment essentielles de la nature, plus confians dans la puissance du génie que dans celle des combinaisons raffinées, et plus enclins à attendre leur salut de l’activité humaine, du dévouement, de l’héroïsme de leurs chefs que du mécanisme ingénieux de lois savantes. Il serait superflu de les suivre dans l’application de ces principes aux diverses branches de la législation politique. Les prémisses sont posées, les conclusions peuvent se déduire