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commandant d’armes (comandante de armas), qui est à la tête des troupes du département ; les sous-préfets, qui administrent les arrondissemens ou provinces (provincias) ; les alcades ou maires, et en général tous les employés municipaux. Aux principaux chefs-lieux de départemens réside en outre une cour supérieure de justice, à laquelle il est appelé des tribunaux de première instance, et dont les décisions ne peuvent être cassées que par la cour suprême qui siège à Lima.

Les ressources financières du Pérou se bornent à peu près au revenu des douanes, dont les droits sont souvent très élevés, et auxquels s’est ajoutée depuis quelques années la vente du huano des îles Chincha, qui a produit des sommes très considérables. Ces revenus devraient suffire et auraient suffi en effet aux besoins du pays, si les révolutions et les désordres qu’elles entraînent à leur suite n’étaient venus si souvent bouleverser la république naissante et lui imposer des charges sous lesquelles ses finances ont dû plier plus d’une fois. Parmi ces charges, la plus pesante est celle des militaires de tout grade et des employés de toute sorte que chaque révolution improvise, casse ou reprend tour à tour, et à qui il faut payer toujours des soldes de non-activité, ou monte pio, qui absorbent le plus clair des revenus de l’état. Il y a peu de pays en effet où la manie des places soit aussi grande qu’en Amérique, où on arrive plus rapidement à des emplois publics, et où on les perde avec plus de facilité. Une révolution vous élève, une autre vous renverse : la conséquence est forcée ; mais aussi il s’ensuit trop souvent que des hommes arrivés de la sorte, prévoyant, dès le jour de leur élévation, le jour de leur chute, songent plutôt à leurs intérêts propres qu’à ceux de l’administration qui leur a été confiée. La fidélité et l’intégrité, il faut bien le dire, ne sont pas toujours les premières vertus des fonctionnaires péruviens.

Un tel état de choses réclame assurément bien des réformes, et n’explique que trop les épreuves qu’a traversées le Pérou depuis l’indépendance. Malheureusement il y a des réformes que le temps seul peut accomplir. Ce ne sont pas les institutions qu’il faudrait changer au Pérou, ce sont les mœurs. J’ai dit, par exemple, ce que c’est que l’armée péruvienne. On a vu ses chefs arriver au pouvoir par l’intrigue et les conspirations pour tomber par d’autres intrigues et d’autres conspirations. Plus que toute autre cause peut-être, cet avilissement de l’autorité militaire a contribué à démoraliser le pays. Instrumens de révolutions dont ils deviennent tour à tour les héros, les jouets ou les victimes, les chefs de l’armée péruvienne ne savent même pas racheter par le courage le vice de leur élévation ou la honte de leur chute. Il est triste d’avoir à porter un jugement tout aussi sévère sur d’autres corps qui, non moins que l’armée, devraient être jaloux de