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forces qui pourront être, selon les circonstances, un secours ou un appui, et il régnera enfin sur une société qui sera autre chose qu’une collection d’atomes sans lien se débattant dans la poussière.

L’administration intérieure, en y comprenant les services départementaux qui restent à la charge des fonds généraux du budget, coûtera 27 millions en 1851. Cette somme pourvoit aux frais de police, au service des télégraphes, à l’entretien des monumens historiques, aux encouragemens que réclament les théâtres et les beaux-arts, aux secours et subventions que reçoivent les établissemens de bienfaisance, les étrangers réfugiés et les Français indigens qui veulent rentrer en France, aux traitemens des préfets et des sous-préfets, ainsi qu’à l’administration départementale, à la détention des condamnés et à l’entretien des prisons. La clientelle des autres ministres dans l’enceinte territoriale de la France n’est qu’un démembrement et qu’une annexe de celle du ministre de l’intérieur. C’est lui qui tient les rênes du gouvernement, qui fait rayonner l’autorité et respecter la loi jusque dans le plus petit village ; c’est le ministre qui a tout à la fois, quoi que l’on ait dit, le personnel le moins nombreux et les attributions les plus étendues. À l’exception des préfets, des sous-préfets, des commissaires de police, des directeurs et inspecteurs des prisons, du personnel des lignes télégraphiques et des musées, des fonctionnaires de l’administration centrale, dont la nomination appartient à ce département, je ne vois pas ce qui rentre dans son domaine[1]. Le ministre de la guerre, le ministre des finances et même le ministre des travaux publics sont des pachas auprès du ministre de l’intérieur. C’est le ministre sur lequel pèse la plus grande responsabilité et qui distribue le moins de places.

On a taillé et rogné les divers chapitres du ministère de l’intérieur. On a réduit à 700,000 francs les dépenses de l’administration centrale, pendant que l’on alloue 5,029,000 francs au ministère des finances, 1,658,000 francs à la guerre et 740,000 francs à la marine. Les monomanes de la décentralisation se sont rués sur ce budget, et ne l’ont lâché qu’après avoir rendu l’administration à peu près impossible. Il serait ridicule de se proposer des économies nouvelles en conservant l’organisation. Mais peut-on modifier utilement notre organisation administrative ? C’est la question sur laquelle il faudra se prononcer plus tôt que plus tard, mais en connaissance de cause, sans égard aux préjugés de la veille ni à ceux du lendemain.

La loi municipale a détruit l’autorité en rendant le maire électif dans chaque commune. Depuis cette fatale innovation, à laquelle les

  1. Sur les 344,000 agens que l’on a fait figurer parmi les subordonnés du ministre de l’intérieur, plus de 300,000 sont nommés par le pouvoir municipal, et près de 40,000 par les préfets.