Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/497

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ni plus complètement qu’en France ou qu’en Espagne. L’empereur a beau disposer de la vie et des biens de ses sujets, il a beau posséder, dans les mines d’or de l’Oural et de la Sibérie, des trésors plus abondans que ceux de la Californie elle-même, cela ne le dispense pas d’ouvrir un emprunt à Londres et de subir la loi des marchands d’argent.

L’invention de la poudre à canon a égalisé les chances de la guerre entre les peuples ; l’usage du crédit nivelle en quelque sorte les conditions des gouvernemens. Une monarchie absolue à laquelle l’impôt ne suffit pas et qui emprunte devient justiciable de la publicité, et se condamne à passer par toutes les épreuves qui semblaient réservées exclusivement aux états constitutionnels : elle s’expose aux mêmes causes de dissolution, sans avoir les mêmes ressources ; car c’est seulement dans les états libres que le feu de la discussion, qui a souvent une intensité dévorante, épure quelquefois et vivifie.

L’Angleterre est aujourd’hui la seule nation qui présente à l’observateur des finances vraiment florissantes. L’Europe septentrionale, qui a vécu pendant la guerre de ses subsides, ne vit depuis la paix que des emprunts qui vont chercher des preneurs sur cet immense et universel marché des capitaux. Cependant l’Angleterre elle-même ne paraît pas être rentrée dans une situation assurée ni normale. Elle plie sous le faix d’une dette dont l’intérêt annuel absorbe le plus clair de son revenu, et plusieurs des impôts d’où ce revenu découle, battus violemment en brèche, ont déjà été à peu près emportés d’assaut. Dans une discussion récente, devant la chambre des communes, qui est omnipotente en matière d’impôt, on n’a trouvé que trois voix de majorité pour maintenir la taxe des fenêtres. Un revenu de 50 millions a failli être enlevé comme une feuille morte par le souffle d’un scrutin inattendu.

Il faut donc en prendre son parti, les finances de tous les empires sont ébranlées. Les embarras d’argent viennent partout compliquer les difficultés politiques. C’est encore aujourd’hui comme en 1789. Nous avons à inaugurer les réformes économiques et à ramener l’ordre dans les finances de la même main qui défendra et qui raffermira les bases chancelantes du pouvoir et de la société.

Le fardeau des impôts est une quantité relative qui se mesure à la richesse des contribuables. Ainsi, l’on ne dit rien de sérieux quand on fait remarquer que les dépenses publiques vont croissant avec la somme des libertés dont jouissent les nations, car les peuples les plus libres sont aussi généralement les plus industrieux, et par conséquent les plus riches. L’Angleterre, avec vingt-huit millions d’habitans, supporte sans fléchir le poids d’un budget qui accablerait la Russie, malgré