provocation, entra sur le territoire de la république bolivienne, sous le prétexte d’y étouffer la révolution. Il pénétra jusqu’à La Paz, et voulut y dicter la volonté du Pérou, qui, à aucun prix, ne pouvait permettre que Santa-Cruz commandât encore à Chuquisaca[1].
Le sentiment de la nationalité est un des plus vifs chez les Américains. En présence du drapeau péruvien qui flottait sur leur territoire, en face de ces soldats qu’ils avaient vaincus à Yanacocha et à Socobaya, les Boliviens, divisés en deux partis, se réunirent. Ceux qui appelaient Santa-Cruz se joignirent sans hésitation à ceux qui avaient proclamé Ballivian ; celui-ci avait l’avantage de se trouver sur les lieux ; le commandement en chef de l’armée lui fut donné d’un commun accord, et la bataille d’Ingavi (1841) ; où périt Gamarra, couronna glorieusement le généreux et patriotique effort des Boliviens en rejetant leurs adversaires vaincus au-delà des frontières de la république.
Fort du prestige de la victoire qu’il venait de remporter avec des forces bien inférieures en nombre à celles de l’ennemi, le général Ballivian n’eut pas de peine à se faire maintenir le pouvoir, que les santa-crucistes ne lui avaient cependant confié que momentanément et en raison des circonstances impérieuses où était la Bolivie. Au Pérou, le parti de Santa-Cruz ne se trouva pas davantage en mesure de profiter des chances favorables que la mort de Gamarra paraissait devoir lui offrir. Là, comme en Bolivie, l’éloignement du chef de ce parti compromit sa cause. Santa-Cruz manqua de résolution en ne se hâtant pas de débarquer sur les côtes du Pérou, dans les départemens du midi, qui lui étaient plus particulièrement dévoués. Gamarra avait, il est vrai, avant de quitter Lima, pris ses précautions contre une tentative pareille. Aussitôt que les hostilités avec la Bolivie avaient éclaté, le président du conseil d’état, M. Menendez, avait, aux termes de la constitution, été chargé du pouvoir exécutif. Ce n’étaient point là pourtant des obstacles sérieux pour Santa-Cruz, et on peut s’étonner qu’il n’ait pas cherché plus résolument à ressaisir le pouvoir confié à de si faibles mains.
Après la défaite d’Ingavi et la mort de Gamarra, le devoir de Menendez était de convoquer immédiatement le congrès pour procéder à la nomination d’un nouveau président de la république. Ce devoir, Menendez hésita à le remplir. Il voulait garder le pouvoir et ne chercha qu’à retarder la réunion du congrès. Il ne comprenait pas qu’il donnait ainsi aux ambitions surexcitées par la mort de Gamarra des armes contre lui-même. Les agitateurs ne désiraient, en effet, qu’un prétexte pour crier à la constitution violée. Après la défaite d’Ingavi une nouvelle armée péruvienne avait été mise sur pied, et le général
- ↑ Chuquisaca est la capitale de la Bolivie.