Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Van Amberg regarda d’un œil impassible cette douleur maternelle. Devant ce regard de glace, Annuncita se sentit confuse de son agitation, elle essaya de se calmer, puis, les mains jointes, la poitrine oppressée, les yeux mouillés de larmes qu’elle ne voulait pas laisser couler, elle reprit d’une voix contenue :

— Ce que vous dites est-il vrai à n’en pouvoir douter, monsieur ?

— Cela est vrai, répondit M. Van Amberg ; je n’accuse jamais que je ne sois sûr.

Il y eut un instant de silence.

M. Van Amberg reprit :

— Vous allez enfermer Christine dans sa chambre, et vous m’en descendrez la clé. Elle y restera long-temps ; je souhaite qu’il lui vienne d’utiles réflexions. Elle perdra dans une réclusion prolongée cet amour de mouvement et de liberté qui la conduit à mal ; dans le silence d’une complète solitude, elle calmera le tumulte de ses pensées. Personne n’entrera dans sa chambre. Gothon seule lui portera la nourriture nécessaire ; elle viendra chez moi chercher la clé. Voilà ce que j’ai décidé qu’il était bon de faire.

Mme Van Amberg restait debout à la même place ; plusieurs fois ses lèvres s’entr’ouvrirent pour parler, mais le courage lui manquait ; enfin elle avança de quelques pas.

— Moi, moi, monsieur, dit-elle à demi-voix, mai, je verrai mon enfant :

— J’ai dit personne, répondit M. Van Amberg.

— Mais elle se livrera au désespoir, si aucune parole ne la soutient ! Je lui parlerai un langage sévère ; vous pouvez vous en rapporter à moi ! Seulement une fois par jour, laissez-moi la voir. Elle peut tomber malade de chagrin, qui le saura ! Gothon ne l’aime pas. De grâce, laissez-moi voir Christine ! Je ne resterai qu’une minute, une seule minute !

M. Van Amberg s’arrêta, et, fixant sur sa femme un regard qui la fit reculer :

— Ne me faites pas ajouter une parole, répondit-il ; je ne veux pas en dire davantage ; ne discutez pas avec moi, madame : personne n’entrera chez Christine ; m’entendez-vous ?

— J’obéirai, répondit Annunciata.

— Montez expliquer mes ordres à votre ville ; ce soir, à dîner, vous m’apporterez la clé de sa chambre ; allez.

Mme Van Amberg fut quelques minutes avant d’être assez forte pour oser marcher : elle craignait de tomber aux pieds de son mari. Enfin, s’appuyant aux meubles qui se trouvaient sur son passage, elle sortit de la chambre. Comme elle allait monter l’escalier. Wilhelmine et Maria descendaient en chantant, courant l’une après l’autre. À la vue