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d’une perturbation sociale. D’ailleurs, l’aliénation des forêts de l’état est un de ces expédiens financiers qu’on ne peut appliquer plusieurs fois dans le cours d’une génération, et, si le gouvernement de juillet l’a employé il y a dix-huit ans, c’est une raison de plus pour que la république s’impose à cet égard la plus grande discrétion.

Le succès des combinaisons de M. Fould dépend donc en grande partie de l’accueil que fera la majorité législative à la proposition d’aliéner cinquante mille hectares des forêts de l’état. Si cette proposition est repoussée, la propriété foncière devra peut-être renoncer au dégrèvement des 27 millions, et il sera en outre assez difficile d’éviter l’emprunt. Quoi qu’il en soit, si le budget de 1851, bien qu’il ouvre, comme nous l’avons dit, une ère d’espoir, ne se présente pas cependant de manière à rétablir tout-à-fait la confiance dans les esprits, le travail de M. Fould n’en est pas moins une œuvre remarquable à plus d’un titre et qui fait honneur à l’habileté du ministre. L’exposé des motifs annonce d’excellentes mesures. Les réductions proposées sur les dépenses de la guerre et de la marine sont conformes aux vœux déjà exprimés plusieurs fois par la majorité. L’engagement pris de remettre aux mains de l’industrie privée tous les travaux publics que l’état ne sera pas forcé d’exécuter lui-même est la reconnaissance formelle d’un principe qui ne rencontre plus aujourd’hui d’adversaires que chez les partisans des doctrines socialistes ou communistes. Après avoir appliqué rigoureusement cette règle aux dépenses du ministère des travaux publics, il conviendra de l’appliquer aux dépenses du matériel dans les départemens de la guerre et de la marine. Là encore on trouvera des préjugés à combattre, des résistances à vaincre : c’est à l’assemblée législative qu’il appartiendra d’en triompher. À côté des réductions sur les dépenses, le budget proposé pour 1851 présente des augmentations sur les recettes. Les impôts nouveaux ou remaniés, déjà soumis à l’examen de la législature, donneront une plus-value de 48 millions. Des modifications de tarifs procureront environ 6 millions. Ces nouvelles ressources viendront compenser, et au-delà, le sacrifice résultant, du dégrèvement de la contribution foncière. Elles sont destinées également à couvrir le déficit que pourraient produire certains changemens proposés dans l’assiette de plusieurs contributions, en vue, soit de les rendre plus conformes au principe de l’égalité proportionnelle, soit de les concilier davantage avec les intérêts de la propriété, du commerce et de l’industrie. L’impôt des portes et fenêtres recevrait une classification nouvelle. Une réduction dans les droits perçus par l’enregistrement viendrait faciliter les emprunts, et rendre les capitaux plus accessibles à la propriété agricole. Une diminution dans la surtaxe des sucres étrangers, combinée avec une réduction du droit sur les sucres coloniaux et indigènes, viendrait abaisser le prix de la consommation, sans nuire aux producteurs et sans arrêter le mouvement de la navigation marchande. Voilà une série de mesures très sages, à notre avis, et très pratiques, dont l’examen ne soulèvera, nous l’espérons, aucune difficulté sérieuse. Tout cela est conçu dans un excellent esprit. Tout cela, il est vrai, ne fait pas que le budget de 1851 soit en équilibre, et que les finances de la république soient bien prospères ; mais, s’il est difficile de faire prospérer le trésor de la république, tout le monde sait que ce n’est pas, malheureusement, au ministre des finances qu’on peut s’en prendre.