Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

immense plaine de sable, qu’il faut traverser pour y arriver, s’étend entre la ville et la côte, distante de plus de vingt lieues. De l’autre côté sont les Cordilières, dont quelques hommes suffiraient seuls pour défendre le passage à une armée. Les Chiliens, qui n’avaient pu pénétrer plus avant, se voyaient par conséquent enfermés entre le désert et les soldats de Santa-Cruz, qui arrivaient bien supérieurs en nombre. Affaiblis d’ailleurs par les maladies, ils étaient tout-à-fait hors d’état de combattre. L’amiral Blanco se trouvait entièrement à la disposition de son ennemi : il comprit qu’il n’avait plus qu’une voie à tenter, celle des négociations.

Santa-Cruz était à Paucarpata, petit village à une lieue d’ Aréquipa ; c’est là qu’il reçut les ouvertures du général chilien. Il sentait plus que jamais le besoin de la paix ; il l’avait toujours désirée ; il eut le tort d’écouter ces propositions avec trop d’empressement, et surtout de ne pas exiger des garanties suffisantes pour assurer l’exécution du traité conclu avec Blanco. Une fois l’armée chilienne sortie de l’impasse où elle s’était lancée, le gouvernement de Santiago se croirait-il lié par la parole de son général ? Sans se préoccuper assez de cette question, Santa-Cruz signa la paix, le 17 novembre 1837, à des conditions honorables pour les deux partis, mais non aussi avantageuses pour le Pérou que Santa-Cruz aurait pu les imposer. L’amiral Blanco se retira et se rembarqua sans être inquiété. Quatorze mois plus tard, ces mêmes troupes que Santa-Cruz avait épargnées opéraient une nouvelle descente près de Lima et remportaient la victoire de Yungay, qui mit fin à la vie politique du protecteur.

Après le départ de Blanco, Santa-Cruz comprit trop tard la faute qu’il avait commise. Le Chili ne ratifia pas le traité conclu à Paucarpata, et la guerre, un instant suspendue, recommença plus vive que jamais. Le Chili voulait à tout prix détruire la confédération péru-bolivienne. Il craignait la concurrence que le port du Callao pouvait faire à Valparaiso ; il redoutait surtout les talens supérieurs du général Santa-Cruz, et, pour conserver sa suprématie commerciale, il ne voyait d’autre moyen que la guerre. Le général Santa-Cruz fut donc obligé de reprendre les armes malgré lui.

L’escadre ennemie, composée de cinq bâtimens, sous les ordres du commandant Postego, ne tarda pas à se montrer devant la rade du Callao (3 mai 1838). Cependant elle était trop faible pour inspirer des craintes sérieuses de débarquement, si la tranquillité intérieure n’était pas troublée. Par malheur, un sourd mécontentement se faisait depuis long-temps pressentir dans l’état nord-péruvien ; il n’avait jamais vu avec plaisir la confédération s’établir et les départemens du sud se séparer de lui pour former un état indépendant. Gamarra y avait toujours de nombreux partisans, ennemis par conséquent de