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faisait fausse route faute de guides. Il s’appuyait sur la chambre seule, sur la chambre à qui le cri de vive la réforme, qui s’attaquait bien plus à elle qu’à la couronne, était à la veille d’apprendre sa fragilité. Cependant, si la plupart des ministres du dernier roi doivent être modestes quand ils se considèrent eux-mêmes, il leur est permis d’être fiers quand ils se comparent à leurs adversaires : l’opposition dynastique, en effet, n’a su que désorganiser des services, patroner des incapacités, empirer le mal qu’elle prétendait guérir, et il est fort heureux pour sa gloire que les républicains de la veille soient venus montrer de combien on pouvait encore la dépasser dans ses erreurs.

Il s’agit aujourd’hui, pour les deux pouvoirs qui régissent l’état, de rester dans les erremens de ceux qui les ont précédés ou d’en sortir. Si courte que soit notre mémoire, des exemples récens signalent quelles seraient les conséquences prochaines du premier de ces partis. Si les entraînemens et les faiblesses qui ont conduit la monarchie constitutionnelle au bord du précipice se reproduisaient aujourd’hui, si les exigences de clientelle des représentans complétaient la désorganisation de l’administration et la ruine des finances, si les partis qui divisent l’assemblée nationale mettaient au service de leurs arrière-pensées les pouvoirs qu’ils ont reçus pour le rétablissement de l’ordre, si le président de la république, oublieux de son nom et des exemples qui lui ont été légués, désertait ses devoirs envers la nation, nous savons quel abîme serait ouvert devant nous. Ces dangers sont-ils impossibles à conjurer aujourd’hui ? Osons espérer que non.

L’accord est possible, facile entre le président et l’assemblée, et, s’il ne l’était plus par suite de taquineries mesquines qui ne seraient pas de notre temps, celle des deux parties qui mettrait les torts de son côté, assemblée ou pouvoir exécutif, jouerait un très gros jeu. Pétries du même limon que la nation, les assemblées veulent, avant tout, être gouvernées, et plus elles sont nombreuses, plus elles en sentent le besoin. Jamais elles n’ont été moins résolues qu’aujourd’hui à repousser l’ascendant bienveillant de la connaissance des faits, de la puissance du travail ; et ce dont se plaint la législature actuelle, c’est précisément de manquer de cette direction forte, à défaut de laquelle la puissance et la vigueur de toute réunion d’hommes s’éteignent bientôt dans le découragement et l’ennui. Les habitudes désolantes de sollicitation universelle que reprennent à contre-cœur nos représentans peuvent même se perdre ; elles leur sont plus à charge qu’on ne croit, et ils subissent dans les exigences et les dégoûts auxquels les soumet le crédit qu’ils usurpent la punition du mal qu’ils commettent. Sous la monarchie, l’universalité des députés, sauf quelques intrigans de profession, eût béni tout ministère dont la résistance à ses obsessions l’eût délivrée de celles du dehors, et ce ministère eût conquis, par