Où sont, si ce n’est en elle, l’ordre intérieur et la force extérieure de la France ? Aussi, malgré les préjugés et les haines des partis, tout ce qu’il y a eu de sensé parmi les partisans ou les adversaires les plus déclarés de la révolution l’a religieusement conservée, et si la catastrophe de février est l’avant-coureur de quelque grand châtiment, c’est en revenant à cette organisation puissante que notre pays se relèvera encore une fois dans le silence et le travail.
Le caractère de Napoléon était d’ailleurs tout d’une pièce ; ses défauts ont été l’exagération de ses grandes qualités, et jamais esprit ne fut plus conséquent que le sien. Il avait construit la machine administrative à son image, une et complète. Chaque rouage y était le moteur ou le complément indispensable de celui auquel il s’adaptait ; tout frottement inutile en était exclu. L’impulsion donnée descendait sans secousses et sans détours du cabinet des ministres aux dernières fractions du territoire, et la responsabilité établie à tous les degrés de la hiérarchie reportait au point de départ les résultats de l’élaboration prescrite. La machine ne manquait cependant pas de modérateurs le conseil d’état, les conseils généraux, les conseils municipaux, en éclairaient la marche, en adoucissaient les mouvemens ; conseils, à la vérité, non élus, mais choisis parmi les plus dignes ; subordonnés à la pensée qui dirigeait l’état, mais affranchis des servitudes d’une popularité de mauvais aloi ; n’ayant d’autorité que celle de la sagesse de leurs avis, mais toujours écoutés avec déférence dans les limites de leurs attributions. Napoléon n’écartait aucune lumière ; mais n’acceptait aucune entrave. L’homme qui savait marcher si droit à son but ne pouvait pas avoir la pensée d’engrener l’une dans l’autre deux machines aussi discordantes dans leurs principes et leurs effets que le sont l’organisation administrative si bien adaptée à notre position territoriale, au génie de notre race, et le régime parlementaire ; issu des caractères particuliers de la nation britannique. Quoi ! il aurait voulu l’unité partout, excepté dans l’essence même du gouvernement ! Il aurait cru établir l’équilibre en mettant aux prises des institutions exclusives les unes des autres ! Il aurait sacrifié la passion, l’expérience et la gloire de toute sa vie aux préoccupations d’une nouvelle école historique !… Pour entrer dans un ordre d’idées si contraires à sa nature, il aurait fallu qu’il cessât d’être Napoléon.
Dans toute sa carrière politique, sa franchise sur ses idées de gouvernement fut irréprochable. Il ne donna jamais à entendre, dans aucun de ses actes, qu’il comptât sur les assemblées pour diriger ou satisfaire le pays ; elles ne sont pas nommées, elles ne sont pas même l’objet d’une allusion dans le programme de gouvernement qu’il adressait au peuple français le jour de sa prise de possession du pouvoir consulaire (4 nivôse an VIII). Il croyait davantage à l’utilité des